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26 mars 2013 2 26 /03 /mars /2013 18:32

 

                                     Suzanne Proust : le temps retrouvé.

 

 

  Dans les précédents sujets, nous avons souligné la part prise par quelques grandes familles, les Saint Martin Lacaze, les Cadoret de Beaupréau, les Perraudeau de Beaufief, les Dières Monplaisir, les Favier-Belle… à la fondation et au développement de Ronce les Bains dans la seconde partie du XIXème siècle. Après la première guerre mondiale, Camille Daniel et Joseph Dières continuent l’œuvre entreprise par leurs prédécesseurs. Mais un troisième homme va entrer dans le jeu et  faire parler de lui. Cet homme entreprenant et pressé, c’est Eugène Proust. Pendant cinquante ans, il va modifier le visage de Ronce. Suzanne Proust, sa belle-fille, a bien voulu relater son parcours.

 

La famille Papaud.

 Suzanne Proust, née Papaud évoque en premier sa famille : « Un de mes arrière-grands-pères, Justin Baliros, né à Cognac en 1827, était d'origine espagnole. lI travaille à l'arsenal de Rochefort comme tourneur sur bois. C'est dans cette ville qu'il rencontre sa femme, Rose Courpron, issue d’une grande famille d’ostréiculteurs trembladais. Elle,est blanchisseuse chez Louis Marie Julien Viaud, alias Pierre Loti.


L'arrière-grand-mère de Suzanne travaillait comme blanchi

Elle met au monde une fille qui porte le même prénom qu’elle, Rose. Mon autre arrière-grand-père paternel s’appelait Izaac Papaud. Il épouse Marie Magdeleine Malineau  qui donne naissance à Edouard Isaac. Ce dernier part comme mousse à l’âge de 14 ans pour plusieurs tours du monde. A La Tremblade il fait la connaissance de  Rose et l’épouse. Rose qui est institutrice va aider son mari à préparer des concours administratifs. Ils s’installent à La Tremblade dans la maison construite par son père Justin, puis partent au début des années 1880 en Nouvelle-Calédonie où Isaac exerce le métier de gardien de bagne. C’est ici que voient le jour mes trois tantes et en 1886 mon père Georges. En 1890 toute la famille regagne ses pénates à La Tremblade. Isaac poursuit sa carrière jusqu’à sa retraite à Cayenne où le bagne a été transféré. Là, il a la garde d’un personnage illustre, le Capitaine Dreyfus interné à l’île du diable.


Lîle du diable où Isaac a gardé le Capitaine Dreyfus

                     Edouard Issac Papaud  a gardé le capitaine Dreyfus à l'île du Diable

Mon grand-père m’a souvent raconté qu’Alfred Dreyfus, qui sera gracié en 1899, et totalement innocenté en 1906, s’entretenait avec lui à l’heure de la promenade puis s’asseyait face à la mer en sanglotant.  Ma grand-mère sera nommée avec Mme Roy institutrice à La Tremblade. Quant à mes tantes, elles vont suivre  les traces de leur mère et exercer la même profession dans les écoles de la presqu’île d’Arvert. »


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1910. De gauche à droite,les cyclistes, Mlles Bondon, Hay et Renée Papaud, toutes trois enseignantes


 Son père Georges rêve d’entrer à L’école navale mais une déficience visuelle l’en empêche. Dépité, il travaille chez Claude Pierre, épicier de la place Gambetta à La Tremblade. Il prépare et obtient le concours des PTT, administration dans laquelle il effectue toute sa carrière pour finir inspecteur. Georges rencontre à Bordeaux Anna Papeyre Cazade. Il l’épouse et rejoint Mont-de-Marsan où il est nommé. Georges souffre de problèmes cardiaques qui lui interdisent de défendre sa patrie en 1914. Il vit très mal cette situation, éprouvant quotidiennement un sentiment de culpabilité. Pendant toute la durée du conflit, il n’aura de cesse d’aider les prisonniers. Dans ce but, il crée la Coopérative landaise qui se charge de leur envoyer des colis.

Anna, après plusieurs fausses couches, met au monde André en 1918 et Suzanne en 1921.

 

  De grandes vacances inoubliables.

Dès sa plus tendre enfance, Suzanne vient passer ses grandes vacances à La Tremblade  dans la maison de ses arrière-grands-parents au 94 de la  rue des Bains où vit sa grand-mère jusqu’en 1929, date à laquelle elle décède. Actuellement Thierry Proust, l’un des fils de Suzanne habite cette maison de famille, rue Marcel Gaillardon où a vécu Edouard son arrière-grand père conseiller municipal comme lui et partageant la même passion pour la mer.


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                   La maison familiale, rue Marcel Gaillardon, construite par Justin Baliros


Pour égayer son séjour estival, ses tantes l’emmènent au Mus de Loup ou le plus souvent à la plage de la Cèpe.


Un des lieux de promenade de Suzanne et des ses tantes

                                            L'ancien phare du Mus de Loup


La petite fille trouve le trajet bien assez long. Aussi ses tantes ont-elles prévu à l’aller un arrêt sous les peupliers après le Pont des Brandes. Suzanne, serviette orange autour du cou, déguste une pêche pelée avec amour par l’une de ses accompagnatrices.


Le pont des brandes et ses peupliers

                                           Les peupliers du Pont de Brandes


Arrivée à bon port, elle grimpe sur la dune qui domine toute la baie et savoure ces instants délicieux qui récompensent les efforts fournis. Aucune halte n’est prévue sur le chemin du retour et les tantes portent, à tour de rôle, l’enfant épuisée mais ravie.


Au fond, à droite, la grande dune de la plage de la Cèpe

                         Au fond, à droite, la grande dune de la Cèpe aujourd'hui disparue


Après la disparition de sa grand-mère, les trois institutrices prennent le relais et veillent sur le séjour estival de Suzanne. Par commodité, elles décident de louer des villas à Ronce. Suzanne telle un métronome a retenu leur nom et les années de location : Ombreuse, allée des camélias en 1929, Guite en 1930 et 1931 allée des roses Le Chêne 1932 et 1933 dans la même allée, Marie-Louise 1934 et 1935 avenue Gabrielle, Primerose 1937 et Bagatelle 1938  dans la même avenue. A noter que toutes ces maisons existent toujours et qu’elles ont gardé leur nom d’origine.


La villa Guite

                                                     Villa Guite, allée des roses


Les villas Bagatelle et Primerose

                                   Villas Bagatelle et Primerose, avenue Gabrielle


 Une anecdote ressurgit de la mémoire de Suzanne : «  Nous passions mon frère et moi  nos vacances à Ombreuse, une espèce de cabane très rustique. A marée haute, André aimait flâner sur le brise-lame. Un jour, Mme Moutin de Blandinière, propriétaire des Algues lui demande de bien  vouloir approcher son bateau de l’escalier de la villa.


Villa Les Algues et son escalier donnant sur la plage

                                  Villa Les Algues et son escalier donnant sur la plage


L’enfant de onze ans sans se faire prier s’exécute, monte dans la barque, tire l’ancre mais tombe à l’eau, emporté par une vague. Un client de la pension voisine, Les Girondins,  voyant la scène, n’écoute que son courage et plonge dans l’eau tout habillé pour repêcher mon frère.


A Gauche, villa Le Girondin, droite LesAlguesà

                                        A gauche, Les Girondins, à droite, Les Algues


Ce faisant, des billets de banque s’échappent de son portefeuille et se mettent à flotter comme autant de petits bateaux. Pendant que cet homme ramène sain et sauf André sur la terre ferme, les tantes s’emploient à récupérer son bien avec des épuisettes afin de le faire sécher. Le lendemain, le sauveteur, sans doute grisé par son acte héroïque, aborde la plus jeune de mes tantes, tante Suzie et la demande en mariage. Ce qu’il ignore, c’est que cette femme très indépendante est déjà amoureuse d’un homme marié. Donc, il est hors de question pour elle de se jeter à l’eau. »

 A la fin des années trente, l’adolescente  n’a pas l’autorisation d’aller danser à  La Chaumière même si son frère lui sert de chaperon.


Le restaurant-dancing La Chaumière

                             Le  restaurant-dancing, La Chaumière, dans les années 30


Elle aimerait bien sortir avec sa bande d’amis, Pierre Petro, Jean Girard, les frères Proust, Pierre et Lucien et Robert Durand dont le père, propriétaire de la villa Les Colonnes, est laqueur sur le paquebot le plus luxueux jamais construit, Le Normandie, qui brûlera en 1942 dans le port de New-York.

 

 Les années sombres.

  En septembre 1939, Mr Pion après un roulement de tambour annonce le début des hostilités. Le 6 septembre, la famille Papaud loue une voiture pour conduire André qui est sursitaire à la gare de Royan. L’attend un train déjà bondé qui doit mener les jeunes recrues sur leurs lieux de mobilisation. Georges Papaud meurt de fatigue et  de chagrin en mars 1940.

Suzanne quitte Orléans où elle suit des cours pour devenir professeure de gymnastique. Le 15 juin 1940, alerte en pleine nuit au changement de train à Tours.  Panique et  bousculades gagnent le quai. Sa mère qui l’a rejointe trébuche et tombe. Croyant sa dernière heure arrivée, elle implore sa fille de l’abandonner mais Suzanne refuse d’obtempérer.

Vingt quatre heures pour rallier Royan, trois heures de plus pour arriver à La Tremblade.

Suzanne trouve un poste de maîtresse d’internat à Dax. Elle n’est pas rémunérée mais logée et nourrie. Après l’obtention de son baccalauréat en 1942, elle s’inscrit en droit à Bordeaux où elle se rend une fois par semaine. Elle fréquente également l’Ecole normale.

 André est fait prisonnier à Dunkerque le 2 juin 1940. Dans le camp où il est interné, il s’occupe de  répartir de façon équitable les colis envoyés par les familles pour que chacun puisse survivre. Suzanne n'oublie pas son frère et lui fait passer des colis. Elle ignore alors, que 50 ans plus tard, elle réitérera son geste pour venir en aide à l'un de ses fils incarcé dans une geôle indienne.

A Dax, d’avril à juillet 1945, dès cinq heures le matin, avec d'autres bénévoles de La Croix Rouge, elle participe à l’accueil des prisonniers. Son plus grand regret encore aujourd’hui, c’est d’avoir été absente le jour du retour de son frère après cinq ans de captivité.

 

Eugène Proust, un homme d’affaires averti.

«  Maintenant, il est temps d’évoquer le souvenir de l’homme, Eugène Proust, qui deviendra mon beau-père » dit-elle. Ses parents, originaires de Melle dans les Deux-Sèvres sont à l’instar de nombreux membres de ma famille des hussards de la République, métaphore pour dénommer les instituteurs. Tout naturellement, Eugène et ses trois sœurs embrassent la même carrière. Seulement Eugène, fraîchement affecté se rend vite compte que ce métier ne lui convient pas parce qu’il n’est pas assez rémunérateur.


Eugène Proust à 21ans en 1900

                                                             Eugène Proust en 1900 à l'âge de 21 ans

 

Alors il quitte l’enseignement et trouve un emploi dans une manufacture de tabac. Un jour, une machine accroche sa blouse. Il est sérieusement blessé. Pendant des années, il doit se nourrir de bouillies et quand survient la guerre de 1914, il ne peut être mobilisé en raison de son état de santé. »

 Les Etats-Unis entrent en guerre en 1917. Eugène qui parle un peu la langue de Shakespeare se perfectionne et devient, grâce à sa débrouillardise et son travail, un personnage référent et incontournable pour de nombreuses transactions franco-américaines.

 A la fin de la guerre, il se demande comment utiliser au mieux les stocks de bois amassés et abandonnés par les alliés pour étayer les tranchées. Son idée de génie est d’en faire des poteaux de mine, prévoyant le redémarrage rapide de l’extraction du charbon, matière première indispensable à la reprise économique. Le 28 avril 1919,  il crée dans la Sarthe une société qu’il appelle Le Poteau. Avec l’argent qu’il a gagné, il se lance dans les affaires. Il fait construire quatre usines d’injection de créosote dans les poteaux de mine. Ce mélange huileux de phénols et de crésols obtenu par la distillation des goudrons du bois protège les poteaux des parasites et les rend imputrescibles.


L'usine de Champagné dans la Sarthe

                                Une des usines d'injection à Champagné dans la Sarthe


L’année suivante, il fonde une autre société le 11 mai 1920, La Forêt, société anonyme qui lui permet d’acheter des forêts et de les exploiter mais aussi de se lancer dans des transactions immobilières. Ces deux sociétés existent encore aujourd’hui.

 

 Eugène succombe au charme de Ronce.

Eugène découvre Ronce les Bains en 1921. Un voisin manceau lui vante sa beauté et surtout son  climat propice aux enfants maladifs. Or, un de ses fils, Lucien, âgé de cinq ans, est de santé fragile. Séduit par le site, il achète quelques années après, avenue Gabrielle, la villa Monplaisir, construite par l’entreprise Goulé qui s’est rendue célèbre à Ronce par ses crépis si caractéristiques.


La villa Monplaisir construite par l'entreprise Goulé                                              La villa Monplaisir, avenue Gabrielle


Il demande à Marthe, une cousine de sa belle mère, de veiller sur Lucien à Ronce pendant que son épouse  Victoire Françoise Alexandre garde son autre fils Pierre au Mans. Eugène fait souvent des allers et retours à Ronce pour visiter sa famille et diversifier ses activités. Exploitant forestier, promoteur immobilier, responsable de sociétés, il déborde d’énergie et n’hésite pas à se rendre la même journée sur plusieurs chantiers. Sa femme n’arrête pas de dire qu’il a usé trois chauffeurs. Mr Eugène, en un peu plus d’une décennie, est devenu quelqu’un à Ronce.


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    Trois extraits du cahier sur lequel, dans les années 30, Eugène avait répertorié tous les immeubles de Ronce

 

Sans vraiment se tromper, on peut dire qu’il a possédé plus de la moitié des terrains de la station balnéaire sans compter bon nombre d’immeubles qu’il achète et revend opportunément comme Le Grand Chalet, Le Grand Hôtel, L’ Hostellerie de Saintonge, La Cigogne, La propriété Saint Martin Lacaze


Le Grand Chalet est toujours en activité

             Le grand Chalet, le plus ancien hôtel-restaurant de Ronce toujours en activité


L'hostellerie de Saintonge dont Eugène Proust a été prop                    

L'Hostellerie de Saintonge, avenue de Saintonge, dans les années 30


Dans les années 30, il a même délégué pour suivre au plus près ses affaires ronçoises, Fernand, le fils de sa cousine germaine Léocadie Girard native de Clussais-la-Pommeraie dans les Deux- Sèvres. Ce dernier achète un terrain à son cousin Eugène et fait construire la villa Sans Souci qu’habite, à l’année, son petit-fils Jean-Pierre Girard depuis 1997.


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                                     Septembre 1948, villa Sans Souci, allée de la forêt


 Lucien, trop chétif pour être mobilisé, gère pendant l’Occupation les affaires de son père. Il réalise de nouvelles plantations et s’occupe surtout des fours de production de charbon de bois qui sert de combustible  aux véhicules à gazogène comme sa traction 15 chevaux Citroën qui sera réutilisée pour le tournage de films évoquant les années 40.

 

 

 Coup de foudre à Ronce les Bains.

Après guerre, Suzanne vit avec sa mère à Dax dans un appartement que leur ont déniché des amis fidèles et dévoués. En septembre 1946, c’est avec beaucoup d’émotion et de bonheur qu’elle renoue avec le passé, avec ses tantes, en logeant, allée des hortensias, à la villa Amélie, « l’insouciante », la bien nommée.


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                                    Villa Amélie, allée des hortensias


A deux cents mètres, la villa Monplaisir est investie par les fils Proust qui ont invité André, son frère, et d’autres camarades.

Un jour, ils décident de faire une sortie à Bonne Anse. Suzanne se joint à eux. Dans ce lieu enchanteur, leur attention est attirée par un bateau échoué sur le sable le Me voici au nom prémonitoire.


La baie de Bonne Anse

                                                                                  La baie de Bonne Anse

 

Suzanne toujours aussi sportive -elle pratique le water-polo- montre son agilité en y grimpant. Quelques instants après elle le quitte en effectuant un saut majestueux qui  fait forte impression sur Lucien Proust. Ce dernier décide alors d’acheter cette embarcation. Il charge les frères Bernard de le ramener à la Tremblade.

 Le 11 septembre est un jour à marquer d’une pierre blanche. André fête ses 28 ans. Il  convie à son anniversaire ses amis parmi lesquels, heureuse coïncidence, Lucien. Suzanne confesse : «  Ce jour-là je tombe gravement malade. Un mal délicieux me ronge. Je n’ai ni faim, ni soif, ni envie de dormir. J’en parle librement à mes tantes : Je crois que je suis amoureuse leur dis-je avec candeur. Lucien a trente ans, j’en ai 25.  Ma famille ne voit pas d’un bon œil cette relation alléguant que nous n’appartenons pas au même milieu social. Seulement on ne veut plus se séparer, on ne peut plus nous séparer. Confrontées à notre obstination, les deux familles se rencontrent et trouvent un gentleman’s agreement. La date du mariage est arrêtée. » C’est ainsi que trois mois plus tard, sont célébrées à Paris en l’Eglise Saint-Jacques du Haut-Pas dans le 5ème arrondissement, le 16 décembre 1946, les noces de Suzanne Papaud et de Lucien Proust.


L'église où ont été célèbrées les noces de Suzanne e


Mariage de Lucien Proust et de Suzanne le 16 décembre 194

                                                        Suzanne et Lucien Proust le jour de leurs noces

 

 Un choix cornélien mais assumé.

Lucien continue de seconder son père, Eugène. Quand Suzanne veut reprendre son métier d’institutrice, Lucien s’y oppose. Chez les Proust, les femmes restent à la maison. A  l’inverse chez les Papaud, elles exercent toutes une activité. De surcroît, Suzanne adore son métier. Lucien se montre intraitable et intime l’ordre à son épouse de démissionner. Mais les tantes n’entendent pas capituler. Après réflexions, devant ce dilemme, Suzanne se range à l’avis de son mari,  lui fait confiance et après plus de 65 ans n’éprouve aucun regret, consciente d’avoir été une femme comblée.


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                                    Plus de soixante ans de vie commune, ça donne des ailes


  Eugène achète au Mans une propriété de deux hectares au milieu de laquelle trône une vaste demeure. Son idée, c’est de la revendre pour réaliser une plus-value. En attendant le jeune couple vient s’y installer. Ce domaine dispose d’un verger et d’un potager.  Des poules et des moutons offrent également de quoi se nourrir en cas de disette. Comme le plan Marchal n’a pas encore été mis en  œuvre, la vie  reste  difficile. A l’origine, ce bien se trouve isolé mais de nouvelles constructions l’entourent progressivement. Sa superficie demande beaucoup d’entretien. C’est pour cette raison qu’Eugène vend une grande partie du terrain pour en faire un lotissement. Quant à la maison, elle sert de résidence principale à Suzanne et Lucien.

 

Le Mans

                La superbe demeure au Mans où ont  vécu Suzanne et Lucien Proust


De leur union voient le jour trois garçons qui suivront trois voies différentes : Frédéric né en 1948 sera photographe, Philippe né en 1960, expert agricole et le touche à tout, Thierry, né en 1951, plongeur, architecte, journaliste, archéologue sous-marin, patron de la SNSM de La Tremblade. La famille n’a pas perdu tout contact avec Ronce. Plusieurs fois dans l’année, elle se ressource à la villa Monplaisir où loge toujours la cousine Marthe.


Villa Monplaisir en 2008

                                                                       Villa Monplaisir en 2008

 

Une opportunité à saisir.

 En 1960, Lucien apprend que la villa Les Dunes toute proche de Monplaisir est en vente. Cette maison, construite au début du siècle par la famille Fuchs puis rachetée par un couple de dentistes niçois dont les jumeaux ont été fusillés pendant la guerre, est de moins en moins occupée.

Lucien s’en porte acquéreur. Il  fait agrandir cette villa qui devient tout d’abord une résidence secondaire puis à la disparition de Lucien en août 2009, l’habitation principale de Suzanne.


Chalet Les Dunes acheté en 1960 par Lucien

                                                                    Villa Les Dunes, avenue Gabrielle

 

 Eugène, un investisseur infatigable.

Des années 50 aux années 70,  les villas poussent comme des champignons pour le plus grand plaisir de 409 familles ayant acquis chacune une parcelle figurant sur l’un des 15 nouveaux lotissements conçus par Eugène Proust.

 Bien qu’il soit très dur en affaires, il faut reconnaître qu’il a aussi vendu, à des prix abordables des terrains à des œuvres sociales chargées d’envoyer des enfants en colonies de vacances : colonies d’Ugine, de Melle,  Hennessy, de la Police, des PTT etc…


Camping de la police

                           Terrain pour les oeuvres sociales de la police à l'entrée de Ronce


Il a même offert, pour un franc symbolique, des terrains à la municipalité de La Tremblade pour la construction des nouveaux courts de tennis de Ronce.

Il s’éteint en 1972 à l’âge de 93 ans.

 

« Longtemps je me suis couché de bonne heure » est la phrase emblématique qui débute  A la recherche du temps perdu, l’œuvre de son homonyme Marcel Proust dont Eugène est également l’un de ses prénoms.

« Longtemps je me suis couché tard » pourrait bien être celle qui résumerait la vie d’ d’Eugène à moins que ce soit celle de son épouse Victoire qui répétait sans cesse : «  Quel homme ! Il n’est jamais fatigué. »

 

  Jusqu’au mois de décembre dernier, Suzanne conduisait encore sa Saab noire. Sa mémoire, véritable musée vivant, fonctionnait à merveille. Sa plus grande joie, c’était d’avoir pu réunir sa famille en 2011 pour fêter ses 90 ans.


Les 90 ans de Suzanne Proust en 2011

  La famille entoure Suzanne Proust, au centre, avec son écharpe rouge pour lui fêter ses 90 ans. A gauche, Thierry puis Frédéric et Philippe qui encadrent leur mère

 

Elle reconnaissait qu’elle était une privilégiée de la vie. Des ennuis de santé l’ont rattrapée. Elle se remet dans une maison de repos, entourée de l’affection des siens.

Merci à elle de nous avoir livré avec naturel, enthousiasme et émotion ce témoignage précieux qui complète et éclaire le passé de Ronce.


                                                                                               Daniel Chaduteau

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25 janvier 2013 5 25 /01 /janvier /2013 18:14

         Marcel M. fait chauffer les tubes à Ronce les Bains.

 

 

   A l’exception de quelques immigrés italiens comme les Déola et les Migliérina qui, fuyant le fascisme et la misère, ont trouvé du travail à Ronce et s’y sont durablement installés, rares sont ceux qui, originaires d’autres régions de France que le Poitou-Charentes, ont suivi leur exemple. Pourtant  lors d’un  passage éclair dans la station balnéaire, Marcel et Thérèse ont succombé à la magie des lieux et  y ont séjourné un demi siècle en devenant des éléments moteurs de la vie économique et associative de la cité. Jean-Paul Batmalle, leur neveu, a bien voulu remonter le temps pour faire revivre Mr et Mme Mouliet, ces Ronçois de cœur.

 

   Une famille parisienne.

  Marcel Mouliet est parisien. Né dans le 14ième arrondissement en 1905, c’est le premier enfant de Maximin Mouliet et de Marie-Joséphine Auffinger qui donnera quelques années plus tard naissance à un second fils André. Marcel remplit ses obligations militaires en 1925-1926 dans l’armée du Rhin à Mayence. De retour en France un de ses passe-temps favoris est la pratique du sport. Il fait partie de l’équipe de football et rencontre celui qui va devenir son meilleur ami Paul Batmalle, lui également grand sportif.


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                     De gauche à droite assis, Paul est le second. Debout Marcel  est le quatrième

 

Paul en effet excelle en athlétisme. Sa discipline de prédilection est le saut à la perche. Lors d’un concours un journaliste sportif commente ainsi sa performance : « La barre est à 3,65 m annonce les haut-parleurs. Les officiels, les photographes et le public retiennent leur souffle. Paul Batmalle s’élève dans les airs et passe sans coup férir cette hauteur. Il franchit également 3,82 mais échoue à 4 mètres en raison d’un bambou trop court. »


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                                                     Paul Batmalle franchit  3,65 m à la perche


Paul qui a appris le métier de tailleur trouve une place au Bon marché de Vichy. Il devient entraîneur de La Jeanne d’Arc, l’équipe de basket locale.

 

 Une rencontre déterminante.

  Tout naturellement Paul présente sa sœur Thérèse à  Marcel qui, d’emblée, ne reste pas indifférent au charme de cette grande et belle jeune femme.


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             A gauche, Marcel et Thérèse et toute une bande d'amis posent devant cette superbe Delage

 

Les parents Mouliet décident de quitter Paris et viennent s’installer à Magny en Vexin à une cinquantaine de kilomètres de la capitale. Maximin y exerce  le métier de maréchal-ferrant.

 Le 13 octobre 1930, Marcel âgé de 25 ans épouse Thérèse de deux ans sa cadette.


Th & Marcel

                                                                           Les jeunes mariés


Marcel  trouve un emploi comme chauffeur livreur au Bon Marché à Paris.

 


Marcel

                                      Marcel, la sacoche de chauffeur-livreur accroché au cou


Thérèse, ne se contente pas d’être couturière à Magny, elle pratique la même activité à Paris où le jeune couple s’installe rue Lacretelle.

 L’année suivante pour s’évader de Paris et de sa banlieue, ils projettent de découvrir la France. Après un court séjour dans  les Pyrénées, ils traversent  le sud-ouest et font une halte à Ronce les Bains dont leur a parlé un ami musicien. Huit ans plus tard, en 1939, sur l’invitation du même ami accordéoniste qui joue dans l’orchestre de La Chaumière, ils passent quelques jours de vacances à Ronce. La déclaration de guerre de septembre 1939 les contraint à  rejoindre précipitamment la région parisienne.

 

 Choix d’un  autre cadre de vie sous l’Occupation.

 Après l’offensive allemande de mai 1940, les temps sont durs. Aussi le couple Mouliet  choisit-il de tourner la page. Dans le cadre du retour à la terre proposé par le Maréchal Pétain Marcel et Thérèse rallient Ronce bien que la station balnéaire se trouve en zone occupée. Peu de temps après, les suivent le père et la mère de Marcel qui logent à la villa La Fourmi, allée des Lilas où Maximin installe une forge au fond du jardin. Quant à eux, ils habitent d’abord  la villa  Le nid, allée d’Aunis. Marcel installe son atelier dans le garage de cette maison. Il change de couvre-chef. Le béret remplace la casquette.



Le Nid


    Le premier atelier de Marcel  dans le garage de la maison Le nid. En-dessus de l'inscription serrurerie forge, on aperçoit  son prénom. A droite, Thérèse et une amie.


Ils font connaissance de la famille Lecomte qui loge quelques maisons plus loin à la villa P’tit Sou. En 1943 Rommel ordonne la construction du mur de l’Atlantique (opération TODT). Tous les hommes âgés de dix-sept à soixante ans sont requis trois ou quatre jours par semaine pour participer à ce vaste chantier. Ils abattent des arbres dans la forêt domaniale, les débitent, les transportent, s’en servent comme pieux en les enfonçant sur trois rangées de La Pointe Espagnole à Royan. Parmi eux, Marcel et son voisin Mr Jean Lecomte. Les deux compères à l’insu des forces d’occupation dévissent les écrous sur les postes des systèmes de défense. Marcel comme appariteur assermenté de La Tremblade est amené à obtempérer aux ordres de réquisition de l’occupant.


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                                                        Ordre de réquisition datant de 1944


 Quand la population de Ronce est évacuée en 1944, la famille Mouliet s’installe à Dirée dans une petite maison. Le lundi 16 avril 1945, suite au débarquement du Mus du Loup, Ronce, la Tremblade et Arvert sont enfin libérés.

 

   Une conjoncture favorable.

 La guerre achevée, Marcel ne perd pas de temps pour s’équiper. Il achète des barres de fer, des poutrelles, des piquets de fer à socle, des poteaux télégraphiques abandonnés par les Allemands. En 1946, le couple fait l’acquisition d’un  terrain au 27 avenue de la Chaumière. Marcel y construit une petite maison  et son atelier au fond du jardin.


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           La première maison construite par Marcel. Sur un pilier, le panneau publicitaire de la marque Raffigaz

 

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                                      L'atelier de Marcel au milieu de la pinède


L’année suivante, ils emménagent avec chat et chien. Marcel est serrurier mais également plombier. Il utilise pour se rendre sur ses chantiers un vélo et une charrette à bras. Il rembourse en cinq ans seulement le prêt qu’il a contracté car l’activité reprend très fort. La construction en 1948 de la colonie d’Ugine conçue par  l’architecte Olivier Rabaud, les nouveaux aménagements des colonies Hennessy et Melle et la réhabilitation de la Druide que  les Allemands ont occupée,  remplissent pour plusieurs années son carnet de commandes. Les nouveaux lotissements des années cinquante et soixante réalisés  par Mr Eugène Proust, allée d’Ugine, allée des tennis et allée des chanterelles pour ne citer qu’eux, accroissent son activité et offrent l’opportunité d’économies substantielles en temps et en argent car ces allées se trouvent à quelques encablures de chez lui. A cela, il faut ajouter  la gérance du  dépôt de bouteilles de gaz butane de la marque « Raffigaz » dont le stock, aligné le long de la clôture s’accroît d’année en année. Ils tiennent ce dépôt jusqu’en 1972, date à laquelle, il est repris par le garage voisin dirigé par la famille Fotsy. Jean-Paul a retrouvé le carnet de comptes où sont notés les noms et le nombre des abonnés qui approche le millier. C’est dire que Marcel, en un peu plus d’une décennie, est devenu une figure incontournable de Ronce.

 

Des grandes vacances de rêve pour Jean-Paul.

 Jean-Paul qui a découvert Ronce à l’âge de trois ans à la villa Le Nid passe ses premières grandes vacances à Ronce avec son oncle et sa tante en 1951. Il a huit ans. Il y revient régulièrement jusqu’à ses quinze ans. Quand il quitte en train Clermont-Ferrand,  plusieurs heures de trajet lui sont nécessaires pour rejoindre Saujon où l’attend  le Citram pour le mener à bon port devant la place Brochard. La galerie du bus déborde de bagages des estivants venus passer un ou deux mois de congé.

 Jean-Paul sait qu’en  plus de l’amour des siens, il peut compter sur la famille Lecomte et plus particulièrement sur Jean-Claude qui, de dix ans son aîné, l’a pris en affection.


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       Devant la place Brochard, de gauche à droite Jean-Paul, Jean-Claude Lecomte et sa soeur Chantal

       (troisième et sixième)


Il l’emmène  souvent pêcher ou faire des tours de périssoire. L’enfant circule à  vélo dans les allées et participe au bal costumé de La Chaumière.


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      1951. Au centre,devant La Chaumière, Jean-Paul joliment entouré par deux demoiselles en robe


Ses compagnons de jeux, Christian et Renaud Guitard habitent comme lui avenue de la Chaumière à la villa Saint-Appoline, la sainte patronne des dentistes. Le soir, la joyeuse troupe se donne rendez-vous place Brochard devant le billard japonais. Jean-Paul adore piloter le bateau télécommandé, avant de faire des parties de baby-foot en écoutant le juke-box  cracher les chansons des rockers Gene Vincent, Bill Haley et Henri Salvador. Soudain la clochette qui tintinnabule aux alentours de 22 heures annonce que les sucettes chaudes de Mr José Lopez sont prêtes à être dégustées. Chaque soir, devant une cinquantaine de personnes aux anges, il fait son show. Il malaxe le sucre en mélangeant les couleurs. Puis le peintre se métamorphose en magicien et en jongleur lorsqu’il lance la pâte et décrit des arabesques en levant les bras. Il dompte la matière qui lui obéit au doigt et à l’œil sous les applaudissements du public. Ses mains expertes n’ont plus qu’à en  faire une espèce de long et fin boudin qui gît sur la plaque en marbre et à le couper avec le ciseau adéquat. Chacun se presse pour acheter le sucre d’orge tant convoité et en premier lieu les enfants qui veulent imiter le prestidigitateur en donnant à cette confiserie des formes étranges avant qu’elle ne se refroidisse.

Jean-Paul n’a pas oublié ces moments d’autant plus délicieux qu’ils ont été financés avec l’argent qu’il a gagné. Ces grandes vacances sont aussi pour lui l’occasion de faire l’apprentissage de la vie active. Pour transporter les bouteilles de gaz, Marcel a fabriqué un chariot que Jean-Paul accroche à son vélo. A chaque livraison le jeune garçon souriant, poli et débrouillard, reçoit quelques pièces, juste fruit de son investissement. Chaque fois qu’il est sollicité par son oncle, il ne répugne pas à l’accompagner sur les chantiers. A Ronce, il lui donne un coup de main par exemple pour l’installation du grillage de quatre mètres qui entoure le terrain  privé au bout duquel se dresse le fronton contre lequel on joue à la pelote basque.


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                      A gauche, l'ancien grillage qui clôturait le terrain de pelote basque


Un de ses souvenirs les plus marquants, c’est d’avoir circulé sur un chariot wagon du petit train, assis sur des sacs remplis de pommes de pins, chariot sur lequel Marcel et Jean- Claude, tels des gondoliers, manœuvraient à tour de rôle une grande perche pour le faire avancer.  Jean-Paul se rappelle cette anecdote datant de 1953 : « Une fois encore mon oncle m’avait demandé de le seconder. Nous voilà partis près du phare de la Coubre où nous attendaient des Cosaques qui, sans doute habités  par la nostalgie, avaient émis le vœu de camper dans les lieux qu’ils avaient fréquentés dix ans auparavant. Lorsque Marcel a creusé pour installer la pompe à eau qui leur faisait défaut, il a entendu un bruit métallique suspect. En dégageant la cavité avec précaution, il a déterré un obus. J’ignore s’ils ont pu concrétiser leur projet mais nous, nous avons  repris la route sans tarder. »

Le jeune homme est présent également en 1957 lors de la réalisation du projet de golf miniature créé par Mr Bornet que gèrent toujours sa fille Christiane et son mari Patrick Paradon. Marcel procède à la pose des bordures métalliques des dix-huit trous du parcours.


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           Le golf miniature toujours en service depuis plus de 50 ans. Derriére les deux courts des anciens 

               tennis 


Cette même année, le jour de la Saint-Valentin, la digue souffre devant les assauts répétés de vagues déchaînées, celle de la Louisiane est elle aussi endommagée.


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                                   La digue ravagée par la tempête de février 1957


 Jean-Paul passe ses dernières grandes vacances à Ronce en 1958. Il quitte avec regret la balançoire qui lui a servi de toise pendant toutes ces années. Lors du lancement du tracé de la route touristique, il est aux premières loges assis sur son vélo.

 

Une entreprise florissante.

 Dans ces années 50, propriétaires et locataires saisonniers aspirent à plus de confort. Chaque villa se doit d’être équipée d’une douche et d’un chauffe-eau. Ce dernier est accroché au-dessus de l’évier de la cuisine et ne ressemble en rien aux actuels cumulus. Il a une propension à ne pas s’allumer surtout s’il n’a pas fonctionné pendant un certain temps. Marcel, qui, à cette époque, n’a pas ou a peu de concurrents arrive à être la personnalité la plus courue de Ronce car il assure les urgences au même titre qu’un grand chirurgien. Mais ses heures de gloire, il les acquiert dans les années soixante grâce à la mise en œuvre quasi industrielles des clôtures. Les portails en bois des années d’après guerre n’ont pas résisté longtemps au sel marin et aux insectes xylophages. Il faut se rendre à l’évidence seul l’acier peut accroître leur durée de vie. Alors il embauche deux ouvriers dont Emile Lasserre qui habite à La Tremblade, route de Ronce à côté du bar-restaurant Tout debout. A l'atelier, Emile à force d' actionner la presse hydraulique pour le cintrage des montants arrondis devient un expert. Presque toutes les allées de Ronce arborent encore ce type de portail ou de clôture si bien qu’on peut dire que les tubes de Marcel sont toujours en tête du hit-parade ronçois.


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                     Allée d'ugine, les portails Mouliet des années 60 n'ont pas pris une ride


  Parmi ses autres réalisations, citons des lampadaires, l’inscription en fer forgé Foyer ronçois qui figure sur le bâtiment et le tronc de Saint-Antoine à la chapelle.


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                            Ce tronc créé par Marcel ressemble à un coffre-fort


Enfin, parmi bien d’autres activités, il est chargé par la colonie d’Ugine qui jouxte son terrain de procéder au montage et au démontage du mât des couleurs qu’il stocke dans la salle à manger et des grandes tentes dont il a fait le soubassement.


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Colonie d'Ugine. Marcel assure la maintenance des sanitaires, au centre, et procède au démontage des tentes


 Pour mener à bien sa tâche, il achète une Peugeot 203 commerciale qui remplace son ancienne camionnette. Par la suite Marcel restera fidèle à la marque au lion.

 Les Mouliet prennent peu de vacances. Ils partent généralement quelques jours au volant de leur véhicule professionnel, après la saison, début octobre comme en 1956 à Lisieux et au Mont Saint-Michel. Une autre année, ils visitent la Savoie et séjournent dans un centre de vacances de la société Ugine. En 1962, après avoir échangé un terrain avec la famille Roger, ils font bâtir une nouvelle maison qui se situe à côté de l’ancienne au 25 avenue de la Chaumière. Quand sonne l’heure de la retraite en 1972, c’est ici qu’ils s’installent. Ils l'appellent La Musardière nom qui invite à perdre son temps, à retrouver un rythme de vie plus paisible.


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                                                                        Leur seconde habitation, La Musardière


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                                                        Le superbe portail dessiné et réalisé par Marcel

 

 Une battante.

  Thérèse pendant toutes ses années, n’a pas cessé de prêter assistance à son mari  en se chargeant de la comptabilité et de toutes les tâches administratives. Elle s’est aussi fortement impliquée dans la paroisse en faisant partie dès l’origine du conseil d’administration de l’Association Saint-Joseph, en œuvrant comme sacristaine à l’entretien de la Chapelle de Ronce et comme bénévole à l’organisation des kermesses dans le parc du Logis, allée des seringas où elle a le plaisir de retrouver en 1969 son neveu Jean-Paul accompagné de son épouse Marie-Claire.


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         Lors de la kermesse, Thérèse vend les crèpes qu'elle vient de faire dans le parc du Logis


Les années passent .En cette année 1987, la santé de Marcel se détériore rapidement. Il est admis à l’hôpital de Royan à Vaux / Mer où il décède à  l’âge de 83 ans. Ses obsèques ont lieu dans la chapelle de Ronce. Il est inhumé au cimetière de La Tremblade où reposent déjà ses parents.

  Thérèse, femme énergique, au caractère bien trempé, va continuer à vivre seule dans sa maison de façon autonome jusqu’au jour où elle tombe et reste toute une nuit allongée sur le carrelage. Jean-Claude Lecomte, un de ses voisins, inquiet de voir ses volets fermés à 10 heures du matin prévient les pompiers qui fracturent la fenêtre et la conduisent à l’hôpital. Victime d’une complication pulmonaire, elle est enlevée à l’affection des siens en 2003 à l’âge de 96 ans. Elle repose au côté de son époux au cimetière de La Tremblade. N’ayant pas de descendant en ligne directe, elle désigne par testament Jean-Paul comme légataire universel. Il hérite ainsi de la maison de Ronce.


  Le couple Mouliet  appartient à cette génération qui connaît deux guerres mondiales, à cette génération qui se lève tôt, qui ne compte pas ses heures, qui reste économe, qui innove en prenant des risques, qui est fidèle en amitié et dévouée pour les autres à l’instar de beaucoup de nos parents ou de nos grands parents.

Cette génération inspire le respect et l’admiration. Il faut voir avec quelle émotion Jean-Paul raconte le moindre détail de l'existence de son oncle et de sa tante. Leur principal mérite est sans doute d’avoir donné des repères au jeune garçon qu’il était, tout en lui faisant aimer Ronce

    A son tour, en mettant ses pas dans ceux de Marcel et de Thérèse, il perpétue avec son  épouse la tradition familiale pour le plus grand bonheur de ses enfants et de ses petits enfants prêts eux aussi à reprendre le flambeau en suivant la route qu'il leur a tracée.


 

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             1956. L'image d'un bonheur simple: une ballade en bateau avec leur chien devant La Cèpe


Un des poèmes préférés de Thérèse, signé par la Ronçoise Paulette Courtin, résume à merveille les aspirations et la vie de ces gens qui ont traversé le siècle dernier :

 

Si l’on pouvait.

 

On devrait pouvoir aller

Vers le fond des années à pas feutrés

Sans jamais rien bousculer

Tranquillement doucement se retirer.

 

On ne devrait jamais souffrir

Ne jamais connaître de la vie le pire

Tout ce qui nous arrive à nous détruire

On devrait toujours pouvoir sourire.

 

Il ne devrait y avoir de misère

Tout devrait être beau sur la Terre

Il faudrait pouvoir gommer les guerres

En mon cœur une douce prière.

 

On devrait pouvoir aimer

Etre pour un cœur toute la destinée

Sans crainte sans se blesser

Etre deux au fil des années.

 

On devrait arriver à la fin

De sa vie sans en avoir chagrin

Doucement comme le sable fin

Du sablier glissant et que se referme sur nous l’écrin

 

 

                                                                                                                  Daniel Chaduteau

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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 14:49

                                            Francine, la petite fille de la Côte d’Argent.

 

   A quelques encablures de la Place Brochard sur la partie droite de l’avenue Gabrielle, le promeneur attentif ne peut que remarquer deux locaux commerciaux : l’un est tombé en déshérence, l’autre a stoppé son fonctionnement. Ces deux bâtiments qui appartiennent à l’origine à la même famille représentent  une partie non négligeable du passé de Ronce. Pour en parler, Francine la petite fille d’une personnalité qui a acquis une certaine notoriété entre les deux guerres.

 

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                                                         L'ancien garage de l'avenue Gabrielle

 

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                                                                     La  Côte d'argent de nos jours

 

   Des ascendants entreprenants.

   Au début des années 20 son grand père, Camille Mallet, restaurateur à Cognac dont il est natif, quitte la cité des eaux-de-vie et décide avec son épouse Marie-Jeanne Prouteau de mettre le cap à l’ouest pour se lancer un nouveau défi. C’est ainsi qu’ils arrivent cent kilomètres plus loin à Ronce les Bains et jettent leur dévolu sur cette station balnéaire en plein essor grâce à l’esprit d’entreprise de quelques notables dont Camille Daniel. Ce dernier vient justement de fonder un théâtre et un restaurant en 1921, ensemble de bâtiments qu’il a nommé La Chaumière.c  Les deux hommes qui portent le même prénom s’entendent visiblement. Camille Mallet pendant trois années va diriger le restaurant avant de le céder à Monsieur René Soubise qui le tiendra, lui, plus de quarante ans.

 

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                                                                      Restaurant La Chaumière

 

  Camille qui ne manque pas d’ambition désire créer son propre hôtel-restaurant. Il s’installe au milieu des années 20, avenue Gabrielle à quelques centaines de mètres de La Chaumière. Il  va  baptiser son nouvel établissement La Côte d’argent reprenant la dénomination de la côte à cette époque-là.

 

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                  Restaurant de La Côte d'argent. A gauche, Camille Mallet, son fondateur, et son fils Gilbert

 

  Le grand-père maternel de Francine, Hector Besson, n’a rien à envier à Camille. Hector, à l’âge de 17 ans, a fait le tour du monde comme mousse avant de revenir à la Tremblade pour y être ostréiculteur. Francine le dépeint comme une force de la nature qui affronte dans les fêtes foraines des adversaires pourtant costauds. Comme il s’impose la plupart du temps, il gagne les primes mises en jeu.

 

Un père mécanicien transporteur.

 Le père de Francine, Gilbert Mallet, épouse Elisabeth Besson à la fin des années trente. Ils font construire le garage Moderne.

 

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                       A gauche Elisabeth et Gilbert Mallet, les parents de Francine, et sa tante Odette

 

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i  Gilbert, mécanicien auto, répare aussi les vélos. Quelque temps taxi, il achète un car d’excursion et le conduit. Il assure parfois la liaison entre Ronce et Bordeaux avec un car Citram. Son épouse s’occupe de la comptabilité. Quant à son frère Yvon, il conduit le bus payé par la municipalité de La Tremblade pour faire la publicité de la commune en faisant la promotion de ses huîtres.

 

 Les années d’insouciance.

  De leur union, viennent au monde Francine et Christiane. Francine n’est pas peu fière d’être une vraie Ronçoise. Elle naît en 1934 dans Le Modern’ Garage qui comporte également un logement. Ses voisins de droite demandent à ses parents l’autorisation de nommer leur villa Cri-cri parce qu’ils se sont pris d’affection pour sa sœur Christiane, sa mère Elisabeth ayant choisi ce diminutif pour interpeller à longueur de journée la petite fille espiègle. Cette maison, Cricri, existe toujours avenue Gabrielle.

 

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  Francine, après bien des hésitations, consent à évoquer les plus anciens souvenirs de sa jeunesse trop longtemps enfouis sous les cendres d’un feu qui couve toujours. « Je me souviens qu’à cette époque Ronce était vraiment un petit paradis, confie-t-elle. J’y ai passé avec ma sœur Christiane toute ma petite enfance.»

 Francine fréquente l’école de Ronce, a pour institutrice Mme Arrivé et Mme Goulé, la belle fille du commerce de l’avenue Saint Martin Le  Clair de lune. Pour se rendre à l’école, elle doit emprunter un chemin qui s’enfonce dans un bois et rejoint La Chaumière. Certes le trajet est court, trois ou quatre cents mètres tout au plus, mais il impressionne l’enfant.

 Devant le garage trône une pompe à essence qui la fascine. Elle rêve de la faire fonctionner car elle semble magique. Pour pomper, on actionne un levier. L’un des deux cylindres en verre se remplit tandis que l’autre se vide. Trois autres pompes similaires équipent Ronce avant guerre dont une devant Le Clair de lune.

 

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                                                       Le Modern' Garage et sa pompe à essence

 

  Gilbert Mallet, son père, loue un beau jouet réservé aux adultes. Son nom : Le vélocar. Un couple d’amis de ses parents partis d’Avallon à côté d’Arvert réussit à rallier Ronce en utilisant ce véhicule, petite voiture décapotable à pédales avec capot en contreplaqué en vogue à l’époque des premiers congés payés.

 

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   A gauche Nicole Mallet, la cousine de Francine, Francine, assis sur un vélocar son père puis sa mère et sa soeur

 

  D’autres souvenirs refont surface : « En face de l’actuel foyer ronçois se trouvait le terminus du petit train qui reliait Ronce à Saint Georges de Didonne. Il longeait l’avenue de la Chaumière jusqu’à l’entrée de Ronce et après avoir traversé l’avenue de l’Océan pénétrait dans la forêt de la Coubre. On a utilisé l’ancien tracé pour en faire une piste cyclable. Ce petit train de trois wagons aux rideaux blancs et verts tout en offrant aux familles un moyen de se distraire permettait de désenclaver Ronce.

 

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 » Francine n’a pas oublié le terrible accident qui a endeuillé la station : «  Le train venait juste de s’ébranler quand il heurta deux motocyclistes qui percutèrent à leur tour un platane qui bordait l’avenue de la Chaumière. Longtemps cet arbre garda les stigmates de ce drame. »

 Elle n’a pas oublié non plus la présence aimante de sa grand-mère Mallet : « Une de nos promenades préférées était celle qui nous  menait au Mus de Loup. Ma grand-mère  aimait nous y conduire ma sœur et moi pour faire collation. Telles des exploratrices à la découverte du Nouveau Monde nous parcourions  en file indienne le chemin qui longeait la Louisiane. Au terme de notre ballade à travers la forêt, un spectacle insolite s’offrait à nos yeux éblouis.

 

                                                          Le Mus de Loup:  le cimetière à bateaux

 

  Au premier plan, la plage sauvage où reposaient des bateaux en fin de vie puis la Seudre majestueuse sur laquelle les deux bacs venant de Cayenne et de La Tremblade se croisaient comme dans un quadrille, enfin, tout au loin, le clocher de l’église de Marennes, sorte de phare brisant la ligne d’horizon. Quatre cents mètres plus loin nous arrivions à la ferme de Mr Magnan, une maison en bois entourée de vignes. Dans le grand hangar garni de foin, à la vue de ses locataires, Micheline et Pierrette, deux superbes vaches, nous éprouvions une joie intense.»

 Au chapitre des distractions à la fin des années 30, dancing et cinéma au Café de Paris sur l’actuelle place des roses et corsos fleuris.

 

n 1 Le café de Paris

 

Francine, accompagnée de sa sœur, de sa tante et de sa cousine défile dans Ronce sur un char représentant la Tour Eiffel.

 

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                                A gauche Bathou Laperle et Juliette Besson, la cousine de Francine

 

  La petite fille garde en mémoire également le travail fastidieux effectué par Mr Corcaud qui, avec son épouse, était gardien à La Louisiane. Avec un tombereau tiré par un cheval il ramassait les ordures ménagères.

 

 Les années noires.

 Mais les années d’insouciance connaissent un coup d’arrêt avec l’offensive allemande de mai 1940. L’occupant réquisitionne la plupart des villas ronçoises et bien-sûr La Côte d’argent  et le garage. Sans être angélique, la première vague de soldats garde une part d’humanité. Francine raconte : « En cette année 40 ma grand-mère nous a quittés. Un trompettiste d’Outre-Rhin tout fluet nous a demandé s’il pouvait lui rendre hommage en interprétant un morceau, ce qu’il fit avec cœur et talent. Malheureusement il dut changer d’affectation avant que l’année ne se termine. »  

«  Comme on n’arrivait pas à trouver de quoi nourrir mon chien-loup Flick , poursuit-elle, il a fallu l’ abattre. Là encore, un autre soldat, la mort dans l’âme, s’est porté volontaire pour effectuer cette terrible besogne ». A l’évocation de cet épisode douloureuse Francine en a encore les larmes aux yeux.

Un autre souvenir est resté gravé dans sa mémoire : «  Les Allemands, ajoute-t-elle, avaient réquisitionné la colonie La Druide en haut de l’avenue Gabrielle pour en faire leur cantine. Chaque soir des enfants de Ronce, casseroles en main faisaient la course pour arriver devant la vaste salle de restauration où ils quémandaient avec plus ou moins de succès quelque nourriture. Ces aumônes ponctuelles et injustement réparties donnaient lieu à des explications orageuses entre les enfants mettant en exergue l’adage bien connu « ventre affamé n’a point d’oreille. »

 

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                                   La cantine de La Druide réquisitionnée par  les troupes d'Occupation

 

 « Des bals clandestins avaient parfois lieu dans les villas ronçoises, continue-t-elle. Je n’avais que sept ans mais cet événement m’a marqué. Les forces d’occupation avaient interrompu une soirée dansante qui se tenait dans la villa Monique à deux cents mètres de chez moi. Après avoir humilié les participants, elles leur avaient permis heureusement de rentrer chez eux.

 

q Villa Monique

 

   Mais tous les jours n’étaient pas aussi sombres. Parfois étaient donnés à la Chaumière des après-midi récréatifs pour amuser les enfants. Dans le champ à Jaulard, le boulanger, appelé plus tard la Prairie, les cosaques anti-staliniens qui avaient rejoint la Wehrmacht proposaient de splendides spectacles équestres. Ces cosaques du Don et du Kouban affectés à la garde littorale dans les ouvrages entre Ronce et Le Clapet étaient commandés par l’Oberstleutenant Evert von Renten. Ce dernier qui loge à La Tremblade est issu d’une vieille famille estonienne et a servi dans la garde à cheval du tsar. En décembre 1943, la 4ème compagnie de cosaques du Kosaken–Btl 623 prend ses quartiers dans les blockhaus de Ronce, du Galon d’or et de la Pointe espagnole.r Cosaques devant le Blockhaus de la cèpe

                     Les Cosaques chantant et dansant devant le blockhaus de la Cèpe

 

   Ces quelques divertissements ne peuvent évidemment pas gommer les destructions et le pillage de l’occupant nazi. Quand Gilbert et Elisabeth Mallet, comme beaucoup d’autres, reviennent à Ronce après avoir été évacués dans des camions en 1944, ils constatent avec désolation qu’ils ont tout perdu. Ils louent pendant sept ans la villa Malgré tout avenue Gabrielle.

 

s chalet malgré tout  Gilbert répare les vélos dans le garage de cette maison. Sur le trottoir la précédant, pour améliorer leurs conditions de vie, ils ont installé un étal de produits frais qu’ils vendent les jours de marché.

 

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       Devant le Chalet Malgré Tout. A gauche, Francine, Elisabeth Coudin enfant,  à droite, ses parents

 

  La villa Malgré tout est devenue aujourd’hui le magasin de vêtements féminins Ozaxes.

Ensuite la famille Mallet va  loger quelques années chez Mme Suzanne Maisonneuve au chalet Le Girondin.

 

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La Côte d’argent change de mains.

  En 1952, Camille Mallet met en vente son hôtel-restaurant, La Côte d’Argent.  Mr Albert Augraud et son épouse Andrée qui rentrent d’Indochine s’en portent acquéreurs. Deux des leurs enfants Patrick en 1952 et Patricia l’année suivante y voient le jour.

 

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                          La Côte d'argent achetée dans les années 50 par la famille Augraud

 

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    Debout de gauche à droite, la famille Augraud : Gérard, Rolande, Andrée, Françoise et Albert

 

  Quand il n’est pas aux fourneaux, certains soirs, Albert est opérateur au cinéma Saint Martin. Un autre de ses fils plus âgé, Gérard, est chargé de nettoyer le bus Citram qui stationne devant le restaurant et qui mène les estivants à Bordeaux via Blaye.

 

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                  Devant le bus Citram, le bonhomme porte-menu, Françoise et le chauffeur

 

  Lui qui a été électricien pendant trente ans avenue de l’Océan habite toujours avec son épouse, Régine, à la villa Marie-Thérèse.

 

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                               Gérard et Régine Augraud devant leur villa Marie-thérèse

 

  Son frère Jacques et sa sœur Monette vivent encore à La Tremblade. A la mort d’Albert survenue en 1965, Andrée continue à diriger l’établissement jusqu’en 1978 date à laquelle elle le met en viager. Elle est enlevée à l’affection des siens en juillet 1992.

 La Côte d’Argent qui pour l’instant a cessé toute activité commerciale est aujourd’hui la propriété de Mr Dominique Lens.

 

 Ronce renaît à la vie.

  A l’issue du conflit, la vie va progressivement reprendre son cours normal. Mr Pion, le garde champêtre de la Tremblade saisit ses baguettes et fait retentir son tambour devant la place Brochard et dans l’avenue Gabrielle.  Après s’être écrié d’une voix forte « Avis à la population » il annonce les dernières nouvelles. La foule aussitôt se fige, écoute religieusement ce « mail » d’un autre âge  qui ne manque pas d’allure.

 Au bout de la place Brochard, les régates ont retrouvé leur lustre d’antan.

 

Z les régates année 1948

                                                                   Les Régates en 1948

 

  Une attraction nouvelle qui va participer à la renommée de la place est l’installation, sur sa partie gauche, du billard japonais qu’anime Monsieur Anchan. Presque en face, la confiserie de Mr Lopez va rapidement gagner ses lettres de noblesse. Anastasio, le père de ce dernier possède depuis une quinzaine d’années déjà un manège qu’il a installé sur la droite juste à l’entrée de la place Brochard.  Francine se rappelle même le prix d’un tour, 50 centimes d’anciens francs, l’équivalent à peu près de 0,001 centime d’euro.

 

z 1 Place Brochard. Année 1931. A droite,manège du grand

                                       A droite, on aperçoit le manège d'Anastasio Lopez

 

  Une année, le président du comité des fêtes Mr Pineau qui habite la villa André avenue Gabrielle a pris l’initiative originale d’organiser une corrida sur la place Brochard. Mais, entourer de palissades une partie de l’espace pour assurer la sécurité du public n’est pas une mince affaire ; et même si les dames endimanchées se pâment d’admiration devant les véroniques du toréador et lui lancent moult soucis, ce spectacle ne connaît qu’une seule représentation parce qu’il est trop difficile à monter

  En 1948,  Francine âgée de quatorze ans va, accompagnée de sa mère,  « faire » les huîtres dans les cabanes. Fin des années 40. Les enfants des colonies défilent deux par deux en remontant l’avenue Gabrielle. Les jeunes Ronçoises ne restent pas insensibles aux charmes des  moniteurs au corps d’éphèbe. Francine aime la vie. Elle a une prédilection pour la danse. Son terrain de jeu, La Chaumière, où elle devient vite, malgré son jeune âge, une icône. L’animateur qu’elle préfère est le sémillant Gaby Daniel.

 

z2 Animateur célèbre de La Chaumière

 

  En 1951 dans le même champ où évoluaient huit ans plus tôt les Cosaques, sous un chapiteau de cirque, le célèbre animateur de l’émission jeu de Radio Luxembourg « Quitte ou double » Zappy Max pour ne pas le nommer, couronne Francine, élue miss Cinémonde  lors d’un concours de beauté, parrainé par la célèbre revue de cinéma éponyme.

L'année suivante, un certain abbé Pierre accéde à la notoriété pour avoir remporté  la somme de 256000 Francs à ce jeu radiophonique.

 

 C’est du billard !

  La même année, Francine fait la connaissance de Raymond Rivet sur la place Brochard où l’un et l’autre font une partie de billard japonais.

 

Z3 Francine et Raymond devant ll'agence Jagou

                                                   Francine et Raymond Rivet avenue Gabrielle

 

  Le grand-père de Raymond, Joseph Rivet, l’époux d’Eugénie Tardivel est contremaître à la briqueterie de La Tremblade aujourd’hui détruite et remplacé par un lotissement rue Marcel Gaillardon.

 

Z4 Joseph Rivet et Eugénie Tardivel

                                                 Joseph Rivet et son épouse Eugénie Tardivel

 

  « A cette époque là, Joseph payait ses ouvriers avec des Louis d’or » dit Raymond qui a fréquenté trois années durant l’école primaire de la Tremblade. Devenu adolescent, il a pour  amis les Vollet et les Jarno ostréiculteurs avec qui il va à la pêche. Il fait également de la voile avec Georges et Joseph Estaque. Ces dernier assurent la liaison Ronce Saint-Trojan avec leurs bateaux Le Petit Normandie et Le bercé par la houle.

 

Z5Joseph Estaque assure la liaison Ronce Saint-Ttrojan ave

                                                         Joseph Estaque à bord de son Petit Normandie

 

A nous deux Paris !

  Raymond qui a déjà depuis longtemps rejoint la région parisienne y poursuit ses études. Il trouve un emploi dans l’aéronautique. Il est agent technique principal. Comme ajusteur, fraiseur, tourneur, il contrôle la fiabilité des pièces d’avion et de fusée. En 1958 il épouse Francine à Paris où elle l’a rejoint  pour occuper un poste à EDF. Ils y habitent jusqu’à leur retraite.

 

Le retour au pays.

  La famille Rivet retrouve la presqu’île en 1992. L’année précédente, ils ont fait construire une superbe maison sur un terrain que Joseph Rivet le grand père de Raymond a acheté à Mr Eugène Proust. Ils l’appellent Racines pour bien montrer l’attachement qu’ils portent l’un et l’autre au pays de leur enfance.

 Ce terrain situé au Pont des Brandes est une espèce de no man’s land qui symbolise leur double appartenance à Ronce et à La Tremblade. Le rond-point où figurent les deux bateaux  « en papier » nommés La Tremblade et Ronce les Bains en offre une autre illustration. Tout à côté de la villa Racines,  Raymond Rivet, le fils de Joseph, achète en 1938 une maison qu’il  baptise Ramuntcho, Raymond en basque, maison devenue une agence immobilière que dirige aujourd’hui son petit-fils Stéphane.Z 6 La Villa Ramutcho

                                                                              La villa Ramuntcho

 

  L’un des passe-temps de Raymond qui porte le même prénom que son père est de fabriquer et de collectionner des cannes à pommeaux.

 

Z 7 octobre 2012 Francine et Raymond Rivet devant sa collec

      Francine et Raymond Rivet montrant quelques exemplaires de sa collection de cannes à pommeaux

 

   Francine referme le livre de ses souvenirs les yeux embués de larmes. Mais ce n’est pas quelqu’un à se laisser submerger par l’émotion. Aussi cette femme énergique et coquette se reprend-elle très vite et déclare-t-elle, le sourire aux lèvres, en s’enorgueillissant d’être une autochtone : « Vous savez,  je pense être l’une des plus vieilles Ronçoises. »

 

 

                                                                                           Daniel Chaduteau

Francine, la petite fille de La Côte d'argent
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21 août 2012 2 21 /08 /août /2012 10:38

 

 

 

                                     Le fabuleux destin de l’épicerie Coudin.

 

 

  Il y a des patronymes qui résonnent dans la mémoire collective des habitants de la presqu’île d’Arvert. Le nom suivant écrit Coudein ou Coudin fait partie de ceux-là. Il évoque chronologiquement l’aspirant de marine trembladais Jean–Daniel Coudein qui commanda le radeau de La Méduse dont il fut l’un des quinze survivants. Cet épisode tragique, immortalisé par le tableau de Géricault  inspira Eugène Delacroix pour son œuvre La liberté guidant le peuple.

 Il fait également référence à un autre Coudin prénommé Albert connu comme transporteur. On le voit par exemple devant Le Grand Chalet juché sur sa voiture à cheval au début des années 1900.

 

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                               Voiture à cheval d'Albert Coudin devant Le Grand Chalet

 

Albert Coudin                                  Véhicule à moteur d'Albert Coudin assis au second plan

 

 Enfin on retrouve ce nom de famille au siècle dernier. Trois générations de Coudin  vont occuper le devant de la scène à Ronce pendant plus de soixante ans en créant et en faisant prospérer une épicerie.

 

Epiceries, épiceries chéries !

 Les épiceries comme les boulangeries sont des lieux de vie indispensables où les gens se croisent, se rencontrent, se parlent. A Ronce, les trois plus anciennes qui ont vu le jour au début du XXième siècle sont situées avenue Gabrielle, l’artère depuis toujours la plus commerçante. Ce sont l’épicerie Jagou qui deviendra une agence immobilière dans les années 20, l’épicerie Favier et surtout l’épicerie Perrot restée célèbre grâce à l’édition de cartes postales de cette époque.

 

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                               L'épicerie Perrot, avenue Gabrielle. A droite on reconnaît La Grande Maison

 

Le nombre d’épiceries atteint son apogée dans les années 50 et 60. Sans parler des réserves alimentaires qui éclosent dans chaque camping, une petite dizaine fleurissent dans les rues de Ronce. Sans vouloir en faire une liste exhaustive citons pour mémoire : avenue de la Poste, l’épicerie Palin, avenue de Beaupréau à l’emplacement actuel de la pharmacie l’épicerie Jono et la Coop, allée de l’Océan, l’épicerie Cartier, avenue Gabrielle les épiceries Coudin, Trépied et Crombez et enfin allée d’Aunis, l’épicerie Lefèvre. La création de l’épicerie Coudin est bien antérieure à celles susnommées. Pour en parler Jeannine Pezac, née Coudin qui, comme actrice et spectatrice a suivi l’aventure et l’histoire de ce commerce.

 

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 Avenue de Beaupréau. A gauche l'épicerie Jono et d'autres commerces remplacés de nos jours  par une pharmacie

 

  Création de l’épicerie Coudin.

  Armand Coudin, le cousin d’Albert a toujours été facteur.

 

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                                            Le facteur Armand Coudin est tout à fait à droite

 

Il rencontre au début du XXième siècle Elisabelle Suhubiette, employée de maison à La Cigogne. Elle est originaire des Landes comme le personnel du Chalet Saint Martin. Cette dernière fait venir sa sœur Jeanne restée célibataire.

 

 

e Elisabelle et Jeanne suhubiette toutes les deux originair

                                      Jeanne et Elisabelle Suhubiette originaires des Landes

 

Armand et Elisabelle se marient en 1904. Elle donne naissance à un fils, Jean Coudin qui épouse Madeleine Poirier.

 

f Photo de mariage de jean Coudin et de Madeleine Poirier

                                                       Jean Coudin et son épouse Madeleine Poirier

 

Le  père de Madeleine, Jules Poirier, est vannier. Il fabrique des panières d’huîtres  avec son fils et sa belle fille assis en tailleur dans sa cabane en face de l’actuelle UCOMA.

 

g Cabane où le grand père maternel de J Jules Poirier exe

                                    Cabane du vannier Jules Poirier, le grand-père maternel de Jeannine

 

De cette union naissent trois enfants : Christian en 1935 (décédé en 2011), Jeannine en 1937 et Elisabeth en 1946. Elisabelle, leur grand-mère et Jeanne, leur grand tante tiennent tout d’abord l’épicerie de La Tremblade au 52 de la rue des bains, l’actuelle avenue du Maréchal Leclerc puis celle de Ronce. La création de la première épicerie en bois avenue Gabrielle, qui jouxte la buvette,  date de 1928.

 

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        De gauche à droite, Madeleine Coudin, son mari Jean et leur tante Jeanne, devant la première épicerie en bois

 

h La buvette jouxtant l'épicerie à la fin des années 192

    La buvette jouxtant l'épicerie. Armand Coudin est le quatrième à partir de la gauche. Jean et Madeleine les plus à droite

 

La seconde est bâtie en dur dans les années 30 par l’entreprise Lasserre.

j Epicerie Coudin construite par Robert Lasserre, entrepren

         La nouvelle épicerie Coudin construite par Robert Lasserre entrepreneur  à La Tremblade

 

  Cette réalisation doit tout à la chance. En effet la famille Coudin a le bonheur de remporter les gains de la loterie organisée par la Séquanaise, un groupe d'assurances très en vogue avant guerre. Simultanèment, on va rénover la première buvette tout en conservant le châssis en bois. Les travaux sont confiés à l'entreprise de Franck Boursier qui n'est autre que le cousin germain de Jeannine.

 

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                                 Madeleine, Jeannine et Christian devant la Buvette rénovée par Franck Boursier

   

L’épicerie trembladaise de la rue des bains est vendue juste après guerre.

 

Une affaire de femmes.

 Celle de Ronce, ouverte toute l’année, est tenue pendant vingt ans par Jeanne Suhubiette.

 

y Jeanne et son choux 

Jeanne et son choux devant la première épicerie.On aperçoit derrière la publicité pour le restaurant Les Gourmets

 

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   Jeanne, à gauche, quinze ans plus tard  avec les as du marché dont Georges Grenoux à droite, boucher chez Bonneau

 

Elle est aidée l’été par sa nièce Madeleine et par du personnel saisonnier. Armand Coudin en remerciement du dévouement de Jeanne lui fait construire une maison au 11 de la rue Gaillardon. Mais l’été elle habite Ronce. En 1951 une hémiplégie l’oblige à venir rejoindre sa maison où loge dorénavant toute la famille de Jeannine. Cette dernière se voit dans l’obligation à treize ans de quitter sa chambre pour la laisser à sa tante. L’année suivante, Jeanne décède. C’est Madeleine qui la remplace au magasin.

 

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                                          Madeleine devant l'étal de l'épicerie dans les années 50

 

Jeannine, après avoir fréquenté l’école primaire de filles de La Tremblade  passe son certificat d’études.

 

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          Second rang. Jeannine est la troisième à partir de la gauche. A sa droite, Josette Siroit

 

La jeune adolescente sportive, accompagne souvent son père à vélo dans ses  livraisons à domicile. Il tire une remorque dans laquelle ont pris place les commandes des  propriétaires des grandes maisons comme les Lesieur,  les Dières Monplaisir, les Rojinski et les Lemaigre-Dubreuil. Il se fait passer pour le personnel et quand il reçoit une pièce son premier mouvement est de la donner à sa fille. Durant cinq ans,  Jeannine va travailler avec sa mère à l’épicerie. L’été, elle habite à l’étage dans une chambre qui donne sur l’avenue Gabrielle. Ses parents  occupent  la chambre de derrière. Les WC sont bien-sûr dans la cour. Les voisins de l’épicerie à cette époque sont le boucher Bonneau et Mr Payneau, propriétaire du café de la Poste.

 

 

  L’ambiance festive et conviviale de la première moitié des trente glorieuses.

 Jeannine ferme soudain des yeux pour mieux se concentrer et rouvrir sa boîte aux souvenirs. Ils se bousculent mais elle parvient à les canaliser : « A l’époque de la buvette dans les années 50, les tables et les chaises en bois qui y restaient rangées ne subissaient aucune dégradation ni aucun vol. Pas encore de réfrigérateur. Les commerçants de l’avenue Gabrielle laissaient de grandes bassines en tôle devant leur commerce dans lesquelles se trouvait l’argent correspondant à la commande de pains de glace entiers  ou coupés à moitié que fournissait  Monsieur Desbordes en s’aidant d’un  crochet.  Pour les régates du RCV le 15 août,  se trouvait  dans la buvette une pompe Japy sous laquelle on mettait une bassine dans laquelle des pains de glace rafraîchissaient les boissons surtout la limonade et l’eau de seltz, eau gazéifiée artificiellement au moyen d’un siphon qui, mélangée à la Suze, était l’apéritif le plus prisé de cette époque. Lors des régates, autorisation était donnée aux  spectateurs de pique-niquer avec  leur panier garni dans le fond de la buvette. »

 Parmi les nombreux habitués de la buvette, trois pêcheurs, Mr Neau, dit le Marquis, Siki et Marcel Favier se sont pris d’amitié pour Jeannine.

 

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                               Les pêcheurs ont pris l'habitude de prendre l'apéritif à la buvette

 

Ils emmènent parfois avec eux la jeune fille âgée de quinze ans et lui demande d’attraper des soles prises au piège de la courtine, opération ô combien délicate. En se débattant, elles maculent de vase et de sable le visage et le beau gilet jaune de l’adolescente, ce qui fait tordre de rire ces messieurs satisfaits de lui avoir  joué un bon tour.

 Le 14 juillet toutes les colonies, Hennessy (l’ancien Rayon de soleil), la Druide, Ugine et Melle, se regroupent devant la place Brochard et défilent avenue Gabrielle lampion à la main pour rallier la Cèpe où est tiré le feu d’artifice. Ces centaines d’enfants à la tombée de la nuit offre un spectacle grandiose et féérique qui comble d’aise tous les vacanciers. Ces colonies créées avant la seconde guerre mondiale pour les deux premières et juste après pour les deux autres ont aujourd’hui disparu. Ugine est un centre de vacances, Melle une propriété privée avec plusieurs logements, la Druide un lotissement et  Hennessy un complexe hôtelier.

 

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                                 Vue aérienne de l'ancienne colonie d'Ugine fondée en 1948

 

L’Union, un lieu au nom prédestiné.

  Au milieu des années 50 à Arvert, le bar- restaurant L’Union , baptisé aujourd’hui Le Kevin’s grill dont Mr Stéphane Grunchy est l’actuel propriétaire, organise souvent des bals en hiver les dimanches après-midi. Jeannine et ses deux amies Hélène et Danièle ont la permission de danser jusqu’à 18 heures, heure à laquelle, Madeleine, sa mère vient  les chercher en voiture.

 

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                                     Le bar-restaurant d'Arvert l'Union, rebaptisé le Kevin's Grill

 

Aux filles se sont joints trois garçons qui complètent l’équipe. Ce dimanche-là un garçon d’une autre bande vient l’inviter à  danser. Jeannine refuse de le suivre ce qui n’est pas habituel vu que cette bande est plus huppée que  la sienne. Elle se sent donc d’autant plus obligée d’accepter les sollicitations d’un second jeune homme qu’elle a des fourmis dans les jambes  car elle adore danser. Les valses, les paso doble, les tangos s’enchaînent à un rythme effréné. Jeannine est dans un état second. Pleinement heureuse, elle ne quitte pas son cavalier de la soirée. Ce jeune garçon de vingt et un ans possède une automobile, une splendide Quatre chevaux. Les deux jeunes gens touchés par Cupidon décident de convoler en justes noces un an plus tard. C’est ainsi qu’ en 1956 Jeannine épouse Guy Pezac qui travaille avec son père Marcel, un ostréiculteur trembladais  bien connu.

 

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   A gauche Guy et Jeannine Pezac en 1956 peu de temps après leur mariage et un couple d'amis devant l'Agence Jagou

 

Elle a dix huit ans et demi. Désormais, Jeannine  va  passer le plus clair de son temps aux travaux ostréicoles.

 

 Un métier éprouvant mais passionnant.

 Elle égrène les souvenirs de trente ans de labeur chez Yves Rousseleau et résume les différentes étapes du travail de l’ostréiculture : «  Au printemps on perce les coquilles avec un marteau pointu. Vingt ans plus tard on utilisera une machine bricolée comprenant un moteur de machine à laver et une roue de vélo.

 

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                            Jeannine devant la machine à piquer les coquilles d'huîtres en 1995

 

Puis on enfile les coquilles pour en faire des collecteurs qu’on met dans la Seudre vers le 14 juillet. C’est à cette époque que l’huître est mère et qu’elle lâche son lait. Le naissain vient se coller sur les supports mis dans l’eau. Un an après, on lève les tubes qu’on installe sur les tables qu’on aperçoit tout au long de la Seudre à marée basse. Là, les huîtres grossissent dans des poches. Lors des malines (grandes marées) on enlève les caoutchoucs qui maintiennent les poches sur les tables pour les brasser. On les tourne trois ou quatre fois l’été. En septembre avec un démanchoir, on les enlève pour les calibrer avec une trieuse à godets. Les plus petites retournent à l’eau, les plus grosses rejoignent en poches les claires. Auparavant on les éparait avec une pelle plate pour éviter de les mettre en tas. Elles restent deux ou trois mois en claires pour que la navicule bleue, une algue microscopique présente dans les claires d’Arvert de Marennes et d’Oléron provoque leur verdissement. »

 

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                            A gauche Mr et Mme Rousseleau chez qui Jeannine a travaillé

 

 Jeannine qui conduit également un engin pour la manutention des cagettes connaît parfaitement après  ces années toutes les évolutions et toutes les techniques de la production des huîtres. Elle n’a pas toutefois complètement tourné le dos à l’épicerie. Il lui est arrivé parfois de donner un coup de main l’été à sa mère.

 

Une heureuse initiative.

 La boutique  particulièrement bien placée au beau milieu de l’avenue Gabrielle, devient très vite trop petite.

 

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       A gauche le dépôt de pain de Pierre Poirier, Christian, Christiane la parisienne et Jeannine dans les années 50

Madeleine décide de procéder à son agrandissement pour satisfaire une clientèle de plus en plus nombreuse et de plus en plus exigeante. Exit la buvette. A sa place, à la fin des années soixante, elle crée un libre service qui triple la surface de vente.

 

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                                                                                  Publicité des années 70 

 

Cette réalisation préfigure les premiers  supermarchés qui ont essaimé dans toute la presqu’île mais pas encore à Ronce. C’est sa seconde fille Elisabeth qui prend sa suite à cette époque.  Elle  aura la responsabilité  du fonds de commerce jusqu’en 1990.

 

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                        Elisabeth Coudin la dernière représentante de la famille à tenir le commerce

 

L’épicerie change de mains.

 A cette date, le fonds de commerce est cédé à Monsieur Patrice Berger qui loue l’épicerie la première année à Mr Philippe Fèvre et à Mme Agnès Chaffaut. Ces derniers achètent le fonds, l’année suivante. Pendant quatre ans, le commerce ne modifie pas son activité mais la concurrence des grandes surfaces de La Tremblade, de Marennes et d’Arvert est rude. Aussi décident-ils de le transformer en salle de jeux pendant un an puis en magasin de céramique (Céramica)  trois ans durant. Enfin en 1999, ils achètent les murs à Madeleine Coudin et prennent un autre virage commercial qui s’apparente à un retour aux sources. A l’emplacement de l’ancienne buvette en bois est inauguré en effet en mai 2000, après un an de travaux, un superbe bar, Le Pub qu’ils vont tenir quatre  années.

  Après avoir vendu le bar qu’elle possède à La Rochelle, Mme Marie Courtier se porte acquéreur du Pub en 2004. Marie est Rochelaise mais elle vient depuis des décennies avec ses enfants sur la plage de la Bouverie. Sans doute sensible au slogan qui s’affiche à l’entrée de Ronce « Qui m’approche, ne me quitte. » elle  succombe au charme de Ronce. Les étés 1996 et 1997 elle loue une boutique d’articles de plage face à la Sirène. Puis elle réitère l’opération en 1998 avec le Sourdon, ancien commerce d’articles de pêches qu’elle transforme en magasin de Déco marine. Le Pub sert également de salle d’exposition pour des artistes locaux. Actuellement sont visibles les sculptures de Mr Alain Nouraud.

 

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  A gauche, Agnès Chaffaut, l'ancienne propriétaire du Pub en compagnie de Marie Courtier, la nouvelle

 

Ainsi un Don Quichotte, une poule, une danseuse, un bateau confectionnés avec des matériaux de récupération égayent le débit de boissons.

 Quant à l’ancienne épicerie Coudin, elle est occupée depuis 2008 par un commerce de vêtements importés d’Inde et du Népal.  Aux merveilles de Krishna.com, tel est le nom du magasin que tiennent Thierry et Nathalie. Thierry, depuis son adolescence, se plaît à porter ces vêtements ethniques. Nathalie goûte la philosophie hindoue et les voyages. Pendant les deux mois d’été, leur boutique pittoresque apporte à l’avenue Gabrielle une touche de couleur et d’exotisme du plus bel effet et invite à partir pour des destinations lointaines.

 

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                         A gauche, un commerce de vêtements ethniques occupe les locaux de l'ancienne épicerie 

 

A Ronce aujourd’hui la Coop est la seule épicerie qui subsiste encore mais elle n’est pas ouverte toute l’année.

 

  Jeannine vit à La  Tremblade au milieu des livres d’histoire de cette presqu’île qu’elle a chevillée au corps. Elle a baptisé sa maison Sol y Neou, Soleil et Neige en béarnais,  nom d’un chalet de La Mongie que des  amis lui ont prêté. Logeant au bout de l’impasse qui part de la rue Gaillardon, cette femme discrète aux yeux clairs ouvre son havre de paix à ses deux filles Annie et Dany, ses cinq petits enfants et ses trois arrière-petits-enfants mais pas seulement.kb Annie et dany devant la buv penaud

                                   Annie et Dany les deux filles de Guy et  de Jeannine devant l'ancien café de la poste

 

Une activité débordante où le jardinage occupe une place de choix et une disponibilité de tous les instants ont réussi à atténuer la peine ressentie lors de la mort prématurée de Guy son mari bien-aimé. Comme tout un chacun, pour se défendre contre la marche inexorable et inéluctable du temps, il lui reste ses souvenirs immortalisés par des clichés témoins de ses moments de bonheur sans cesse revisités.

 

                                                                           Daniel Chaduteau.

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5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 14:54

                  Jacqueline D. la plus latino des résidentes de Ronce.

 

 

  Après quinze jours d’un temps exceptionnel en ce mois de mars 2012, les cieux, pour contredire les Cassandre de la météo qui annonçaient une sécheresse catastrophique, sans doute touchés par la détresse et les prières des agriculteurs, ont déversé au début du printemps parfois en une journée autant d’eau qu’en trois mois. De mémoire de Ronçois on n’avait pas connu un tel déluge depuis des lustres. Aussi pour tuer le temps, nombreux étaient ceux qui empruntaient leur voiture afin de faire une courte balade, histoire de sortir de chez eux. Profitant d’une éphémère éclaircie, une silhouette, ce jour-là attirait l’attention sur la route de La Tremblade. Par ce temps de chien, elle fonçait en dodelinant de la tête et appuyait sur les pédales avec énergie comme un cyclomotoriste aguerri. Elle arborait un bonnet rouge qui ressemblait à s’y méprendre à celui du commandant Cousteau. Après l’avoir doublée, un coup d’œil dans le rétroviseur nous révéla que l’amateur de la petite reine était une dame d’un certain âge pour ne pas dire d’un âge certain. Quelques jours plus tard alors qu’elle arpentait l’allée des roses toujours coiffée du même couvre-chef, l’envie nous prit d’aborder  cette habitante de ronce  vraiment atypique, Jacqueline Dindinaud.


Jacqueline, bonnet rouge sur la tête, pose dans sa chambre

                      Jacqueline Dindinaud, bonnet rouge sur la tête pose dans sa chambre de la villa Myriam.

 

    Une famille charentaise.

 Si Jacqueline vit à ronce, elle n’y est pas née. Ses parents sont tous deux charentais. Roger, son père est né à Raix et sa mère Jeanne Moizé à Bioussac. Après des études secondaires au collège-lycée Saint-Paul d’Angoulême, Roger Dindinaud poursuit ses études à Maisons- Alfort et devient vétérinaire d’abord à Ruffec où Jeanne donne naissance à ses deux premiers enfants Marie-Thérése en 1926 et à Claude en 1929. Ensuite il rejoint Chateauroux où il dirige les services vétérinaires avant d’être affecté  à  Angoulême pour y  occuper le même poste.

 

    Ronce : lieu de villégiature.

  En 1937 il achète à Mr Aspil la villa Myriam avenue Gabrielle et la moitié du garage de la maison voisine, Isis.

Villa Myriam fin des années 40

                                                       La villa Myriam avenue Gabrielle avant guerre


La villa Myriam de nos jours

                                                                            La villa Myriam aujourd'hui

 

Jacqueline voit le jour dans la cité des Valois l’année suivante, Jacques, le benjamin de la famille complète trois ans plus tard, la fratrie.

 

Jacques devant brise-lame en 1947

                                   Jacques devant le brise-lame juste après guerre


Leurs parents, comme beaucoup, sont déjà venus en location à Ronce notamment allée d’Aunis à la villa Toky Eder et avenue de Beaupréau à la villa Vagabond.


 Villa Toky Eder

                                               Villa Toky Eder, allée d'Aunis


Villa Vagabond

                                         Villa Vagabond, avenue de Beaupréau


La propriétaire de cette villa, une dame fort aimable, désire que la famille Dindinaud la prenne en viager ce qu’elle refuse. Un an plus tard elle quitte ce monde.

 Les premières vacances à la villa Myriam se déroulent les étés 1938 et 1939. Dans leurs premiers souvenirs, un plus marquant parce que souvent rapporté par leur mère, l’embarquement au bout de l’appontement détruit pendant l’Occupation et la traversée pour l’île d’Oléron.


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   Appontement  de Ronce les bains qui permettait de prendre le bateau  pour gagner lîle d'Oléron


 appontement ronce (40)

 

   Un trajet homérique.

 Après la guerre, la famille passe les trois mois de vacances à Ronce. Les deux aînés forment l’avant-garde et partent en train avec leurs vélos. Le gros de la troupe, les parents et leurs deux jeunes enfants, prend place dans la Rosalie Citroën, pâle copie de l’Arche de Noé où cohabitent tant bien que mal, chiens et chats, poules et lapins. Pas moins de trois heures pour parcourir les 120 kilomètres qui séparent Angoulême de Ronce les Bains sans compter l’arrêt pique-nique. Il est vrai qu’aucune rocade n’existe à cette époque. Jusqu'au début des années 70, les traversées de Jarnac, Cognac, Saintes, Pisany et Saujon, les jours de grands départs, ont des airs de périphérique parisien aux heures de pointe et auraient pu inspirer Comencini pour son film Le grand embouteillage. Pas besoin d’autoradio. Les lagomorphes, canidés, félidés et autres gallinacés qui ne font pas toujours bon ménage se chargent dans une joyeuse cacophonie d’animer cette équipée.

 

  De grandes vacances en famille.

 

 Une fois la famille réunie, chacun vaque à ses occupations favorites.


Roger et son fils Claude à la villa Myriam juste après gu

                                                              Claude et son père Roger à la villa Myriam

 

Roger Dindinaud apprécie les balades en forêt et prend plaisir à pêcher au bout de l’allée Marguerite. Il  ne reste guère plus d’une vingtaine de jours goûtant peu le farniente. Jeanne qui souffre de crises d’asthme adore les promenades et passe son temps à tricoter. Les enfants et leur mère rejoignent les dunes de la plage de la Cèpe après la courbe du lézard quand la marée est haute les après-midi.Deuxième à droite Jacqueline plage de la Cèpe

       Jacqueline deuxième à gauche, sa grande soeur Marie-Thérèse à sa droite et leur mère plage de la Cèpe face au blockhaus

 

 Les aînés, eux, préfèrent rallier le Galon d’or  par le chemin des rails. Claude et ses amis Yves Blois et Jacky Pechmajou  fréquentent assidument les courts de tennis ronçois.


Mimi Blois et Jacky Pechmajou en 1947 sur les anciens tenni

                       Mimi Blois à gauche et Jacky Pechmajou sur les courts des anciens tennis


Se joignent à eux en juillet 1949 pour faire le tour du pays basque à bicyclette, les Trembladais, Bernard Ducayla et Louis Surre- Pichot.

Gare de Saujon,préacheminement en train jusqu'à Dax De ga

 Saujon. Préacheminement en train jusqu'à Dax. De gauche à droite, Mimi Blois, Claude Dindinaud,Jacky Pechmajou, Bernard Ducayla, Louis Surre-Pichot


Dur, dur le réveil pour Claude et Mimi

                                    Dur, dur, le réveil pour Claude et Mimi Blois


Extrait du carnet de route de ces cinq garçons unis comme les doigts de la main : « Une fête se tenait dans un petit village frontalier espagnol. Mais comment y aller sans passeport ?  Au culot. Nous nous sommes pointés au poste de douane et leur avons demandé si nous pouvions passer en leur expliquant que nous étions en voyage à vélo, que nous venions de Charente Maritime et que nous aimerions participer à cette fête. Evidemment au temps de Franco, il était difficile de s’introduire en Espagne. Un douanier plus compréhensif que les autres nous prit à part et nous dit de suivre un chemin qui nous ferait traverser la Bidassoa. Il ajouta de venir le voir au retour ce que bien entendu nous avons oublié de faire

Les cinq copains avec leurs bérets basques sur la Rhune pr

                        Les cinq copains, béret basque vissé sur la tête sur la Rhune près d'Ascain

 

…A l’arrivée à La Tremblade, tout le monde nous attend. Nos parents à qui nous avions écrit que nous allions en Espagne, n’ayant pas de nouvelles,  s’étaient inquiétés. Le père de Jacky avait même alerté l’ambassade de France alors que nous, bien tranquilles, nous poursuivions notre tour. »


 Roger invite également ses enfants à une autre balade à vélo mais celle-là initiatique et incontournable. Jacqueline et Jacques se souviennent d’une en particulier. Après avoir emprunté le bac à La Tremblade, le petit peloton poursuit son périple jusqu’à Brouage.


Jacques sur le chemin des rails devenu piste cyclabe

                               Jacques s'entraîne sur le chemin des rails qui est devenu une piste cyclable

 

Arrivés fourbus au centre de la ville fortifiée par Vauban, leur père en pédagogue consciencieux leur fait un cours d’histoire qui les dépasse quelque peu ; ils préfèrent le sandwich au pâté aux amours de Louis XIV et de Marie Mancini. Jacqueline a déjà expérimenté ce type de visite dès l’âge de sept ans. Pendant qu’au milieu des ruines de Royan, Roger disserte sur les conséquences de la guerre, la petite fille au grand dam de son père est subjuguée par tous ces amas de pierres qui permettent de jouer à cache- cache.

 Certains souvenirs lui reviennent.  Il n’est pas recommandé juste après guerre de se promener sur les plages du Galon d’or et de la Pointe Espagnole car tout l’espace n’est pas encore  complètement déminé. A l’Embellie, au milieu de la forêt, ressurgit l’image obsédante de vignes entourant un ancien camp militaire.

  Pour oublier les années noires de l’Occupation règne à Ronce une ambiance de fête. Ses parents qui adorent danser n’ont que l’embarras du choix tant l’offre est importante. Ainsi des bals sont organisés à la Chaumière, à la Pergola et même en face de leur villa sur la place des Roses. Des cavalcades sillonnent les rues de Ronce précédées par différentes harmonies de la presqu’île comme celle des pompiers de la Tremblade.


Cavalcade avenue de Beaupréau. Derrière on aperçoit la C

                          Cavalcade avenue de Beaupréau. Derrière le char fleuri, on aperçoit la Chaumière

 

Les allées grouillent d’enfants qui jouent au jokari ou au ballon prisonnier.

 

  Une épreuve inattendue.

  En 1951 Roger est muté à Versailles et vit à Saint-Cyr l’école, en Seine et Oise toujours comme directeur des services vétérinaires. Malheureusement, à cinquante ans, une hémiplégie très handicapante l’oblige à marcher avec une canne. Son épouse qui apprend à conduire en un temps record l’accompagne dans ses tournées, jardine, élève des pigeons, fait conserves et confitures et s’occupe de la grand-mère. Bref, elle réussit à être au four et au moulin avec une constance qui continue de forcer l’admiration des siens.

 

   Claude, l’artiste peintre.

 Dans les années 50, les Dindinaud reviennent à Ronce en traction et n’y passent qu’un mois de vacances. Le frère ainé de Jacqueline, Claude, y tombe amoureux d’une amie d’enfance, bonne joueuse de piano, Annie Breuil avec qui il se fiance et qu’il épouse trois ans plus tard.


Fiançailles de Claude et Any à La Tremblade de droite à

       Fiançailes de Claude et d'Annie à La Tremblade. De droite à gauche, Mme Breuil, Mr Breuil, Jacqueline, derrière sa mère, les fiancés, Roger, Claude, Sylvette, la soeur d'Annie et son mari Mr Bonnet

 

Les parents de cette dernière, propriétaires de la villa Sylvette Annie allée des pins, tiennent un commerce de vins à La Tremblade.

 Claude a hérité du talent de sa grand-mère Marie Moizé qui dessinait remarquablement. Agé seulement d’une vingtaine d’années, il participe à un concours d’affiches organisé par la mairie de la Tremblade. Son dessin représente en arrière plan la baie de la Cèpe et la forêt. Au centre, un estivant à la tête de soleil portant un maillot rayé bleu et blanc ferme les yeux visiblement heureux bien qu’un crabe rouge lui pince les orteils. Pourquoi tant d’insouciance ? La mer est calme, il fait beau et sa pêche est miraculeuse. Cette symphonie de couleurs et cette image astucieusement décalée séduisent le jury. Son dessin obtient le premier prix.


Affiche originale de Claude année 1950. Sa signature appar

           L'affiche originale de Claude. Sa signature est visible le long de la panière à droite


Largement diffusé en affiches et cartes postales, il rallie encore aujourd’hui, soixante ans après sa création, les suffrages du public. Il fait par exemple la couverture du bulletin municipal de La Tremblade de juin 1996.  Claude trouve sa voie : il sera professeur de dessin en collège et professeur d’histoire de l’art dans un IUT de Bordeaux.

Une des nombreuses oeuvres de Claude Dindinaaud

                                                 Une autre oeuvre originale de Claude

 

    Profession infirmière.

  Jacqueline, elle, poursuit, après son bac, des études d’infirmière à l’école de puériculture à Paris. Son père retombant malade à soixante ans, elle est obligée de travailler comme institutrice  remplaçante en Seine-et-Oise pendant cinq ans de 1959 à 1964  date à laquelle elle reprend ses études d’infirmière. Elle obtient son diplôme en 1966. De 1966 à 1977, elle exerce son activité à l’hôpital Saint-André de Bordeaux. En 1968 elle milite au sein de la CGT et lutte pour  de meilleures conditions de travail.

Depuis les années soixante, elle n’a jamais cessé de revenir à Ronce pour y passer ses vacances et pour y garder ses neveux ou nièces.


1959, Jacqueline garde ses neveux sur le tracé de la futur

 

                                Jacqueline garde ses neveux sur le tracé de la future route toutistique ouverte en 1960

 

Elle les amène parfois à pied jusqu’à la pointe Espagnole où la police montée traque les naturistes pour les verbaliser. Ses nièces l’interpellent  avec candeur : « Regarde Tatie, les gens ont des maillots de  chair ».

 En 1977, elle  obtient sa mutation pour l’hôpital  de Royan à Vaux sur mer et quitte Bordeaux

 Elle loge à la villa Myriam avec sa mère devenue veuve. 

 

 Une vocation exaltante.

 A la mort de sa mère survenue en 1981, cette farouche adepte du célibat, choisit de donner une nouvelle orientation à sa vie. Elle cherche une association pour partir en mission humanitaire. Au Secours Catholique, elle rencontre le père Ryo qui a œuvré en Haïti. Elle suit une formation d’un an qui la contraint tous les mois à monter à Paris. Dans cette formation de grands témoins venus du monde entier expliquent les causes économiques, sociales et politiques de la pauvreté. Pour se rendre compte si elle peut s’adapter à une autre culture, rien ne vaut un séjour sur le terrain. Elle rejoint donc un village ravagé par le paludisme et la malnutrition près de Ouagadougou la capitale actuelle du Burkina Faso. Là, elle intègre l’équipe du dispensaire tenu par une communauté religieuse. Cette expérience séduit Jacqueline. Alors qu’elle a repris son service à l’hôpital de Royan, le père Ryo lui apprend son départ imminent pour le Mexique. Elle sera accompagnée d’Anne Etchebest, une assistante sociale de 25 ans avec qui elle a sympathisé pendant la formation.

 

  Un tandem de choc.

 Elles partent en septembre 1982. Au terme de leur voyage, elles sont accueillies par les habitants de Buenos Aires, un village complètement isolé, sans eau ni électricité .Leurs conditions de vie sont rustiques et spartiates. Elles logent dans une cabane en tôle, dorment dans un sac de couchage et pour améliorer leur ordinaire, créent un jardin potager.


Anne cultive le potager à Buenos Aires

                                     Anne cultive le potager à Buenos Aires


Elles sont ensuite affectées à Bella Vista, un autre village où elles continuent leur tâche au service des autochtones.


Jacqueline dans sa cabane en tôle de Bella Vista

                            Jacqueline dans sa maison en tôle à Bella Vista


 En France Jacqueline peut compter sur l’aide indéfectible de son frère Jacques et de son épouse Marie-Rose qui effectuent cinq voyages au Mexique. Jacqueline, en remerciement des grâces reçues, décide de parfaire son engagement par la prière. Pour ce faire, elle passe trois ans de sa vie au couvent comme contemplative à Mazapa et à Tapachula.  Elle consacre les sept dernières années de son séjour mexicain, avec le concours de médecins, à la formation des promoteurs de santé.


Cours de santé. Les organes sont grossièrement dessinés

            Cours de santé. On dessine grossièrement les organes sur le torse et le ventre d'un volontaire


Jjacqueline formatrice des promoteurs de santé

                                      Jacqueline, formatrice des promoteurs de santé


Ces derniers enseignent à tous les villageois foi et hygiène par des moyens non conventionnels comme les socio drames, sortes de sketches qui illustrent les situations réelles qu’ils devront affronter, ou la représentation symbolique d’arbres porteurs de vie et de mort.


Socio drame sur l'exploitation des Indiens

                                      Socio drame sur l'exploitation des villageois


Représentation de l'arbre de la santé qui est indissociab

               Schéma de l'arbre de la santé qui est indissociable de la justice, de l'amour, de la liberté...

 

A Tuzaltan et à Escuitla  elle  devient responsable diocésaine de la santé.

 

Ronce, point d’ancrage.

 

 A l’âge de 65 ans après plus de 21 ans d’engagement, quand sonne l’heure de la retraite, elle choisit de retourner en France. Avec l’aide de son frère Jacques, elle achète un petit appartement à Ronce, allée des pins, pour retrouver les siens. Elle  accompagne dans sa maladie Claude, décédé l’an passé, et veille sur  sa sœur aînée qui demeure à Marennes.


La fratrie Dindinaud,Marie- Thérèse Claude, Jacqueline e

                      La fratrie Dindinaud: Marie-Thérèse, Claude, Jacqueline et Jacques.


Mais tous les deux ans Jacqueline repart trois mois au Mexique. Le prochain départ est prévu pour janvier. Toutes les personnes qu’elle a aimées, avec qui elle a partagé sa vie lui font fête comme au premier jour. S’immerger au milieu d’elles lui est vital. Aujourd’hui le pays s’est développé, les villages sont mieux équipés, des routes ont été tracées. Mais une nouvelle pauvreté a succédé à l’ancienne. Elle a pour noms : désertification, exode rural, insécurité...

 

 Jacqueline a obtenu la nationalité mexicaine pour services rendus à la nation de son cœur. Elle est toujours en contact avec Anne. Elle se plaît bien à Ronce où elle retrouve quelques amies d’enfance, profite de la famille qui vient en vacances, rend des services à ses voisins  mais goûte et cultive par-dessus tout la solitude. Un sourire radieux illumine perpétuellement son visage.


De gauche à droite,Jacqueline, Jacques et Marie-Rose chez

          Jacqueline, Jacques et Marie-Rose dans l'appartement de Jacqueline en 2012


Elle adore cuisiner et se fait un devoir de régaler toutes ses connaissances de sa fameuse galette, de ses madeleines et autres pains au chocolat.


Jacqueline comme au plus beau temps de sa jeunesse est prê

      Jacqueline, comme au plus beau temps de sa jeunesse est encore prête à reprendre la route au volant de sa deudeuche


Cette femme de conviction opiniâtre et accueillante qui, au grand désespoir de ses amis mexicains n’a jamais pu avoir le sens du rythme a pourtant su garder un coté rock n’ roll, toujours prête à partir faire du camping sauvage au volant de son éternelle deudeuche on the road again, mieux encore caminando se hace el camino.


                                                                                          Daniel Chaduteau.

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9 mai 2012 3 09 /05 /mai /2012 16:08

 

   Pour que les amoureux de Ronce gardent en mémoire certaines singularités ou bizarreries  ronçoises de jadis et d'aujourd'hui, il nous a paru souhaitable de montrer ces quelques clichés.  La plupart sont connus, d'autres pourront surprendre, intriguer ou amuser.

 

   Des histoire d'arbres.


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       Sur l'ancienne route qui mène de  La Tremblade à Ronce, on aperçoit sur la droite un pin qui a subi les ravages du  temps. Une de ses branches maîtresse a dû être coupée.

 

 

 

Ronce moderne (3)

                                           Cet arbre avait initialement la forme d' un lance-pierre ou de la lettre Y.

 

 

Entrées de Ronce

                                              Il y a une cinquantaine d'années, il avait vraiment fière allure.

 

 

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  A la nouvelle entrée de Ronce, un immense pin parasol couvrait de ses sombres ramages les trois quarts de la route.

 

 

Copie de Ronce moderne (613)

        Parce qu'il était envahissant, il est devenu une gêne pour effectuer les travaux nécessaires à l'évacuation des eaux pluviales.


 

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      Son sort était scellé. Sa disparition en 2010  a ému les protecteurs de la nature et bien au-delà, tous ceux qui le considéraient comme un repère et une figure tutélaire de Ronce.

 

 

Entrées de Ronce (19)

        Force est de constater que Dame nature est facétieuse. Peut-être pour montrer sa relation fusionnelle avec La Tremblade, la station de Ronce les Bains imite sa grande soeur en arborant sur son ancienne entrée un pin majestueux  de forme presque identique.

 

 

Entrées de Ronce (17)

             Cet arbre  qui se trouvait sur le côté droit de l'actuelle avenue de l'Océan  après l'allée d'Anchoine précédait dans le temps son semblable. On aperçoit dans le fond le panneau indicateur de Ronce.

 

 

 

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                                                       L'arbre le plus emblématique du Mus de Loup.

 

 

Mus de Loup (1)

     Combien de générations d'enfants ont pris leur premier cours d'équitation sur ce pin qui dominait la Seudre !

 

 

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           Qui a dit qu'un pin ne pouvait pas pousser sur le béton du blockhaus de la Cèpe ?

     

  Quelques villas et autres bâtiments.

 

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                                   Un bel exemple de l'Art nouveau que ce motif décoratif  sur la villa l' Ensolleillée.


 

 

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          La belle villa  Edja d'inspiration orientale dont la balustrade du balcon vient d'être refaite à l'identique.

 

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           Quand le Casino voit le jour en 2007, un parking occupe l'espace laissé vacant par la démolition du temple en préfabriqué. L'allée du temple qui subsiste toujours nous remémore son existence.

 

 

 

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                         Cet édicule hexagonale nommé Béranger est  visible allée des Camélias

 

 

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                                    Ses gargouilles réprésentant des dragons affamés l'ont rendu célèbre.

 

 

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                               La cabane au fond du jardin chère à Cabrel vient de disparaître.


  Des distractions hétéroclites.


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         Dans le dancing et sur la terrasse de la Chaumière les tables sont dressées pour accueillir plus de deux cents convives.

 

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                    Depuis les années cinquante, le comité miss France se déplaçait chaque année à La Chaumière

 

 

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                Existe encore actuellement à Ronce un fronton qui permettait de jouer à la pelote basque.

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                                                 Dans les années trente, sur la place Brochard, on joue au croquet.

 

 

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                                     La tour du Gardour devrait échapper à la destruction.

 

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       Depuis des decennies,  elle a servi de lieu d'entraînement aux passionnés d'escalade.

 

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                                 Vue aérienne de la plage de l'Embellie avant qu'elle ne s'ensable.

 

galon d'or,embellie,pointe (67)

       Dans les années 60, trône sur la plage de l'Embellie le Tiki, un bateau bar restaurant qui se transforme en  nigth-club à partir de 22 heures.

 

Grand chalet (70)

 

 L'allée du petit lac rappelle que dans cet espace, le Grand Chalet offrait à ses clients la possibilité de canoter sur ses eaux au début du XXème siècle.

 

Grand chalet (44)

                                 Le lac a été asséché car l'eau stagnante attirait les moustiques.

 

 

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   Dans ces années 30, rien de plus agréable que de se retrouver en famille sur la plage de la Cèpe surtout quand elle est presque déserte.

 

 

Ronce moderne (44)

                                                                        Sans commentaires.      No comment.

 

 

                                                                                                                                  Daniel Chaduteau.

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21 mars 2012 3 21 /03 /mars /2012 15:18

 

                        Une pluie d’étoiles sur la Villa Fantaisie d’Arvert.

 

  

"Mon âme a son secret, ma vie a son mystère". Ce premier vers du célèbre sonnet du poète Arvers, paru en 1833 dans son recueil Mes heures perdues, garde un tempo magique et envoûtant. Dès 1868 Georges Bizet sous le titre Ma vie a son secret le met en musique. Serge Gainsbourg, en 1961, suivra son exemple. Mais pourquoi donc faire référence à cet auteur et à cette poésie pour débuter ce nouveau sujet. ?

  Arvers est l’homonyme de la localité dont il va être question. C’est là, à quelques encablures de Ronce  et de La Tremblade que, comme le souligne le slogan de son office du tourisme, on vient se ressourcer entre mer et vert. C’est le pays des claires, où l’on affine les huîtres de Marennes Oléron. Enfin, pendant très longtemps, c’était le rendez-vous des gourmets dans l’hôtel restaurant de la Villa Fantaisie qui doit son rayonnement à la famille d’Allain Giraud que nous avons rencontré.


a La Villa Fantaisie, rue du moulin à Arvert

                                            La Villa Fantaisie, rue du moulin à Arvert.

 

  Les Ancelet et les Giraud, les deux familles voisines de la rue du  moulin.

La Villa Fantaisie, située rue du  moulin de Cabouci, est la propriété de ses grands parents maternels les Ancelet. Son grand-père Albert Ancelet qui a épousé Germaine Potet (alias Madeleine) est à la fois un ostréiculteur et un viticulteur.


b A la fenêtre de la Villa Fantaisie, Madeleine Ancelet, l

   Madeleine Ancelet, la grand-mère d'Allain et d'Annick Giraud apparaît à la fenêtre de la Villa Fantaisie.


Il possède également non loin de ses claires un troupeau de vaches dans sa ferme de l’Eguiatte tenue par un métayer. Alain se souvient qu’à la sortie des classes de l’école de garçons d’Arvert il rejoignait avec empressement  son aïeul à la ferme.


c L'école primaire fréquentée par allain

                                                       L'école primaire d'Arvert fréquentée par Allain

 

Juché sur une charrette tirée par un cheval et fier comme Artaban, il effectuait la tournée en sa compagnie et l’aidait à déposer, en soirée, les bidons de lait frais devant les maisons. Quant à ses grands parents  paternels, Emile Giraud et son épouse Joséphine Le Gall, ils habitent juste à côté de la Villa Fantaisie. Leur fils Pierre Giraud est le compagnon de jeux de sa voisine Odile Ancelet. Dès son plus jeune âge, Pierrot comme elle le surnomme est « son bon ami. » Pierre trouve un emploi  presque naturellement chez Albert Ancelet, homme très exigeant qui a le goût du travail bien fait. Il dirige une équipe de quatre personnes qui a en charge l’entretien des claires et des vignes. Odile, elle aussi, a été embauchée par son père. Elle s’occupe de la gestion et de la comptabilité des Etablissements Ancelet et côtoie quotidiennement Pierrot. Les deux jeunes gens décident de se marier. De cette union naîtront deux enfants Allain et sa sœur Annick.

 

  Une vocation précoce.

Allain, à onze ans, quitte la presqu’île et poursuit sa scolarité comme interne au collège privé de Saintes, Notre Dame de Recouvrance.


d Classe de quatrième. Au centre l'abbé Baron.Allain est

    Photo de la Classe de 4ème. Au centre, l'abbé Baron. Allain est au second rang sous la croix. A sa gauche, Michel Courtin

 

Après l’obtention de son BEPC, son goût pour les métiers de bouche et particulièrement pour la restauration l’oblige à migrer, pendant trois ans, au lycée hôtelier Amédée Gasquet de Clermont-Ferrand.


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Brigade de restaurant à l'Ecole hôtelière. Allain est le second à partir de la gauche. Son ami  Michel Parigot penche la tête

 

Lors de ses études, il a l’opportunité de suivre un stage organisé par son Ecole hôtelière pas très loin de chez lui, à Pontaillac. Il a dix sept ans. Il officie comme sommelier sous les ordres Mr Zimermann, maître d’hôtel au Grand hôtel de la plage et d’Angleterre aujourd’hui transformé en appartements.


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                        Derrière le Sporting de Pontaillac, le Grand hôtel de la plage et d'Angleterre

 

  Ce dernier qui remarque les qualités professionnelles naissantes de son apprenti lui propose de l’accompagner à la fin de ses études au Waldorf Astoria de New York. Mais Madeleine, sa mère, Odile, s’y oppose formellement. Il faut dire que le fait d’avoir rencontré en Auvergne une jeune et jolie coiffeuse prénommée Josiane participe grandement à atténuer sa déception. A  dix-neuf ans, tous les diplômes en poche il retourne, dans la presqu’île qui l’a vu naître.  L’année suivante, il épouse Josiane dans le chef-lieu du Puy-de-Dôme. Le jeune couple décide alors de s’installer à la Villa Fantaisie, Allain aux fourneaux et Josiane qui a abandonné peignes et ciseaux, en salle.


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            Réveillon en famille en 1968. De gauche à droite Allain, Josiane, Laurent, leur fils, et Odile Giraud

 

Petite histoire de La Villa Fantaisie.

         Les bâtiments du vaste domaine de plus d’un hectare ont sans doute été construits au XIXème siècle. A la fin de l’Occupation, Albert et Madeleine ont l’idée pour remercier leurs meilleurs clients de leur offrir, à tour de rôle, le séjour à la Villa.h La Villa Fantaisie dans les années 50

                          La Villa Fantaisie dans les années 50 avant les transformations


Huit ans plus tard, Odile, constatant que leurs hôtes ne tarissent pas d’éloges sur ce lieu de villégiature, décide d’interrompre cette faveur en disant avec réalisme et franchise : « Puisque les gens sont si bien, on va les faire payer. » Les deux années suivantes, la Villa accueille des jeunes filles venues passer leurs vacances. De 1955 à 1960, elle accepte également des familles. En 1960, Pierre Giraud et son épouse Odile engagent des travaux de construction et de rénovation. C’est  le 30 avril 1961 qu’a lieu l’inauguration de la nouvelle Villa Fantaisie, qualifiée par le journal Sud Ouest, de relais touristique et gastronomique, en présence de nombreux élus et amis de la famille. Le journaliste qui relate l’événement présidé par Mr Valentin Guillon, maire d’Arvert, souligne : «  L’ambiance de bonne humeur de sympathie et de franche gaieté qui régnait durant cette cérémonie » et il conclut d’une façon prophétique : «  Le service au champagne et petits gâteaux était assuré par les propriétaires, leurs enfants et le personnel, service copieux et impeccable qui permit à chacun de concevoir que, dans un avenir plein de promesses, Fantaisie, saura tenir sa place. »

 Avec le recul, Allain ne partage pas tous les propos dithyrambiques du journaliste. De 1961 à 1964, en dehors de la saison, la Villa Fantaisie héberge en semaine des séminaires de cinq jours qui se concluent le samedi par un banquet. Une clientèle de passage ou locale fréquente le restaurant le samedi soir et surtout le dimanche. L’été, l’établissement fonctionne sur réservations à l’exemple de la pension de famille, La Pergola, à Ronce. Ce n’est qu’en 1965, suite à des travaux d’aménagement complémentaires qu’elle devient un relais de tourisme à part entière avec l’obtention, tout d’abord, de deux étoiles puis de trois en 1972.

 

i Publicité des années 60

                                                                               Publicité des années 60

 

 Un environnement propice au développement.

  A partir de cette époque, la Villa  trouve sa vitesse de croisière. Du personnel est évidemment engagé, la cuisine plus élaborée. Allain dirige une brigade de huit personnes. Le même nombre officie en salle sous la férule de Josiane. En comptant les femmes de chambres, les lingères, les plongeurs, la Villa dispose d’une équipe de vingt cinq  employés.


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    Le personnel de cuisine et de salle encadré par Allain, à droite, et par son fils Laurent, à gauche


Ce nombre est indispensable pour contenter une clientèle attirée par le bouche à oreille et  une publicité soignée. Il est vrai que l’établissement bénéficie d’une conjoncture favorable en ce milieu des années 60 grâce au lancement du programme de constructions nouvelles de la station balnéaire de la Palmyre et à l’implantation du zoo privé qui, en quelques années, en s’agrandissant et en s’embellissant, va devenir le zoo privé le plus visité de France. Les  promoteurs de ces deux projets ambitieux sont Mr Léon Nicolle, maire des Mathes, et Mr Claude Caillé qui nous a quitté l’an passé. L’un et l’autre sont des habitués de la Villa. Léon Nicolle et ses collaborateurs y réservent même très souvent une salle où sont organisés réunions et déjeuners de travail en présence du préfet.

Tant et si bien que dès le printemps, les 24 chambres de l’hôtel  et de l’annexe affichent complet et qu’en moyenne 200 repas sont servis  quotidiennement, 80 à midi, et 120 le soir.

 

 Une logistique bien rôdée et à toute épreuve.

  Pour mener à bien une tâche aussi complexe, une organisation sans faille est impérative. Allain a choisi  des fournisseurs fidèles. A La Tremblade, il se rend au marché à 17 heures à l’arrivée des petits bateaux et achètent  aux  pêcheurs Charrit, Saulnier et Birot  leurs poissons frais. Il s’approvisionne en saucisses au vin blanc chez la boucherie charcuterie Garnier et  en  huîtres chez Yves Papin. Deux ou trois fois par semaine, il part de bon matin à La Rochelle, accompagné de son personnel, et parfois de clients désireux de découvrir la face cachée de la vie d’un restaurateur. Arrivé à cinq heures, il se ravitaille en crustacés, poissons et mollusques  auprès des établissements Boutin et Aubrière, grossistes de l’Encan, criée de La Rochelle jusqu’en 1995.


k L'encan de La Rochelle au début du XXième siècle

                                             L'encan de La Rochelle dans les années 20


Après un casse-croute pris sur le pouce au restaurant de l’Encan à 6 heures, retour à Arvert avec une halte aux abattoirs Martin à Saint-Just-Luzac. Là, Allain choisit tous les morceaux de viande que le camion viendra lui livrer à domicile à huit heures. Quant aux primeurs, il les trouve sur place à Arvert  chez Grasset.

 

Les délices du palais.

 C’est une lapalissade de dire que, si pour une cérémonie, un repas d’affaires, un anniversaire, un réveillon, on se donne rendez-vous à la Villa Fantaisie, c’est que la cuisine et le service sont "aux petits oignons."


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Les plats concoctés par le maître queux Allain, diplômé de la Chaîne des rôtisseurs, sont servis dans les grandes assiettes du porcelainier de Limoges Bernardaud  sous des cloches d’argent de chez Christofle.


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                                      Allain Giraud,  titulaire du diplôme des rôtisseurs


Sur la carte, on a l’embarras du choix entre le Blanc de turbot au Sauterne, la Chartreuse de saumon rose dans son coulis d’écrevisses, le Feuilleté de filets de soles au champagne, l’Escalope de foie gras sautée au vinaigre de cidre et ses pommes chaudes, le Rissolée de magret de canard aux baies roses et aux pêches… Mais la spécialité dont il est le plus fier, souvent copiée et mal copiée, c’est sa Cassolette d’huîtres chaudes à la julienne de poireaux.


m Echantillon de plats concoctés par Allain pour figurer

                           Echantillon de plats concoctés par Allain pour figurer dans le dépliant publicitaire

 

 Une animation pour le moins inattendue.

 Quand le temps est clément, possibilité est donnée à la clientèle de déjeuner dans le vaste parc ombragé par des arbres séculaires malheureusement déracinés par la tempête de 1999.  A la fin du repas, une surprise attend les gastronomes.


q Tables dressées dans le parc.

                                                   Tables dressées dans le parc


 Jouxtant la Villa, existe depuis l’origine un pigeonnier. La sœur d’Allain, Annick, et son beau  frère, Jean-Claude Cormier qui exercent le métier de coiffeurs à La Tremblade, une fois l’an, participe à l’opération shampooing. Elle consiste à teindre de toutes les couleurs une trentaine de pigeons, d’utiliser pour chacun de ces volatiles le séchoir à main, avant de les introduire quelques minutes dans les tables chaudes des cuisines à la température de 25°.


o Jean -Claude Cormier pendant l'opération Shampooing

                               Jean-Claude Cormier pendant l'opération Shampooing


Il ne reste plus qu’à les dissimuler sous des mannes d’huîtres disséminées sur la pelouse et de procéder en début d’après-midi, au lâcher de pigeons multicolores. Ce spectacle insolite qui ravit bien-sûr leurs hôtes connaît une fin tragique. Allain continue longtemps après les faits d’exprimer sa colère : « Un Alverton,  peut-être importuné par le roucoulement des pigeons colorés les a  pris pour des perdreaux et les a froidement abattus avec sa carabine. »


p Des pigeons multicolores.

 

                                                                  Des pigeons multicolores

 

  Le rendez- vous des stars.

Les plus belles pages et les plus beaux souvenirs qu’a vécu la Villa Fantaisie sont consignés dans le livre d’or. En le feuilletant, on retrouve les visages ou les commentaires, parfois les deux, des personnalités locales ou des anonymes mais également des acteurs majeurs, des années 60 à 80, de la télévision comme Léon Zitrone et Roger Couderc, de la chanson comme Annie Cordy et Dalida, de la politique comme Edith Cresson qui deviendra la première femme premier ministre, du sport comme " l’ange vert" revenu sur ses terres, Dominique Rocheteau, accompagné de Guy Drut et de Michel d’Hidalgo, du music-hall comme Sim et Jacques Martin...


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t Au premier plan Guy Drut puis Dominique Rocheteau et Mich    Au premier plan, Guy Drut puis Dominique Rocheteau et Michel Hidalgo aux fourneaux de la Villa 


 Inspirés  certainement par le nom de la Villa (Fantaisie) les deux  humoristes auxquels il faut ajouter Annie Cordy  s’en donnent à cœur joie pour mettre l'ambiance. Un jour, Sim qui triomphe avec son tube J’aime pas les rhododendrons, pénètre dans les cuisines et demande une pêche bien mûre qu’il pèle minutieusement. En arrivant en salle, il simule une chute et subrepticement applique sur son œil la peau de pêche qu’il a dans la main pour provoquer la compassion des gens attablés.


Dessin original de Sim offrant des rhododendrons.

                                Dessin original de Sim offrant des rhododendrons


Annie Cordy et Harold Kay font la tournée des plages françaises avec le podium d’Europe N°1.  Quand ils vont dîner, ils ne passent pas inaperçus car ils portent le même pull-over sur lequel figure un énorme lapin aux grandes oreilles.


r Annie Cordy

 

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  Jacques Martin, lui, met en pratique la réflexion d’un client notée dans le livre d’or : « Que la vie serait neutre sans fantaisie. » Après le spectacle, à deux heures du matin, il passe en cuisine se souvenant sans doute qu’il a, un temps, fréquenté l’Ecole hôtelière de Nice.


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  On est frappé quand on lit les témoignages des clients qu’ils soient célèbres ou non de la concordance de leurs remarques sur l’accueil chaleureux qui les a touchés et sur l’excellence de la cuisine. Voici deux exemples qui ne manquent pas d’esprit : « Deux avocats en rupture de palais l’ont eu satisfait. »

 

  " Quand le poète Arvers fit son fameux sonnet,

  Il ne connaissait certes d’Arvert son homonyme

  Ni la villa fleurie des  Giraud-Ancelet

  Ni son charmant accueil, ni sa fine cuisine."

 

 D’autres pensionnaires, plus habiles à croquer un décor, s’inspirent, en 1970, pour faire l’apologie de la villa, de la cabane construite à la pointe du Rhin, en face de Bonne Anse, pour les besoins du film de Robert Hossein Point de chute avec Johnny Hallyday comme tête d’affiche.

 

W Dessin d'un des décors du film Point de chute interprét

                       Croquis d'un décor du film Point de chute avec Johnny Hallyday

 

Malheureusement  deux événements vont assombrir la complète réussite  de la Villa. En 1984, Allain doit subir une opération cardiaque et quatre ans plus tard, une longue et insidieuse maladie vient à bout de la résistance courageuse de  son épouse Josiane. A partir de cette époque-là, plus rien ne sera plus comme avant. Une certaine lassitude, un désenchantement gagne la Villa Fantaisie qui va cependant poursuivre son activité jusqu’en 1994.


X Allain entourée de son épouse Josiane à droite et de

                                      Allain entouré de son épouse Josiane à gauche et de sa fille Delphine

 

 Un nouveau départ pour la Villa Fantaisie.

Après deux ans de remise en marche, les nouveaux acquéreurs,  Mr Jean-Pierre Messier, son épouse Françoise et leur fils Alexis procèdent, en 2003, à la réouverture de la Villa Fantaisie qui a gardé son nom d’origine avec l’accord de son ancien propriétaire.

 

Y 1 Jean-Pierre Giraud et son épouse Françoise, les nouve

     Jean-Pierre Messier et son épouse Françoise, les nouveaux propriétaires de la Villa Fantaisie


Leur souhait est de tourner le dos au relais gastronomique et touristique haut de gamme pour en faire une maison d’hôtes, une sorte de centre de vacances dans lequel  des familles ou des groupes peuvent se retrouver en toute convivialité sur la grande terrasse, au bord de la piscine ou des tables ping-pong.  L’établissement qui ne comporte plus qu’une douzaine de chambres dont des chambres parentales s’adapte avec souplesse et disponibilité à la demande.

y2 La Villa Fantaisie de nos jours.

                                                                 La Villa Fantaisie de nos jours


 

 Allain a quitté l’annexe de la Villa  où il logeait encore l’an passé et où il est né mais il y vit à proximité. Ce qui flatte l’amour - propre du Baron, surnom que lui ont donné ses camarades de l’Ecole hôtelière et qu’il a toujours conservé, c’est d’avoir réussi à transmettre la passion de son métier à ses deux enfants.


Z 1 Allain Giraud devant sa maison natale en 2011

                                    Allain Giraud devant sa maison natale en 2011


  Laurent est, en effet, directeur du Campanile de Biarritz  et Delphine, directrice du Novotel de Clermont-Ferrand. Deux des ses petits enfants Thomas et Clémentine travaillent également dans l’Hôtellerie, les deux derniers Amandine et Valentin étant encore en âge scolaire.


z 2 Publicité des années 70

Le plus bel hommage rendu à la Villa Fantaisie, imprimé au dos de la carte, a servi longtemps de publicité. C’est  l’œuvre, dit on, de l’ancien maire de La Tremblade Roger Letélié qui, à la fin d’un dîner, a plagié avec talent le fameux sonnet d’Arvers en ces termes :

 

  " Vous cherchez un relais de la gastronomie ?

  Retenez en Arvert, la villa Fantaisie

  Remarquez en passant par un bref aperçu

  Ses jardins et son parc à l’ombre salutaire

  Et par- delà la grille un souriant parterre,

  Entrez sans hésiter, vous serez bien reçu.

 

  Le chef a ses secrets, la cave a son mystère

  Les menus très soignés, heureusement conçus

  Induiraient au  péché l’ermite solitaire,

  Et les plus fins gourmets ne seront pas déçus."

 

                         

                                                                                                Daniel Chaduteau

 

 

 

 

 

 

 

  

 

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5 janvier 2012 4 05 /01 /janvier /2012 11:16

 

 

                   La saga ronçoise d’une vieille famille française, les Saint Martin Lacaze.

 

  A partir de Ronce, pour rejoindre les plages du Galon d’or ou de la Pointe espagnole, il n’existe qu’une route qui passe devant une immense propriété au fond de laquelle on aperçoit une belle demeure appelée Chalet Saint Martin.


Chalet saint-martin (7)

                                  Le Chalet Saint Martin qui domine Ronce les Bains


Ce patronyme n’a aucune relation avec son homonyme, le célèbre évêque de Tours qui trancha son manteau pour en donner la moitié à un pauvre. Ce Chalet a tout simplement gardé le nom de son fondateur. Raconter les origines de cette famille constitue une véritable gageure. C’est grâce aux témoignages de ses descendants, d’Anne et de sa sœur Hélène et aux recherches historiques de Marc Eissautier, le mari de Claire que nous avons pu démêler l’écheveau de cette dynastie au passé si riche et si lointain.


Blasons en pierre qui figuraient au-dessus de l'entrée du   Armoiries en pierre qui figuraient au-dessus de l'entrée du Chalet conçu par le Comte Paul de Saint Martin Lacaze

 

 

 

 Récits légendaires.

 Tous les récits qui suivent s’apparentent à des mythes. Toutefois, ils démontrent à l’évidence la proximité de ces nobles, attachés à la terre, avec leur roi, qu’ils sont prêts à défendre au péril de leur vie.Un des blasons de la famille.

                                                Un des blason de la famille de Saint Martin Lacaze


 Un des membres de la famille Saint Martin ayant assisté à la bataille de Poitiers en 732 entre Charles Martel et Abd al-Rahman, chef des Sarrasins, aurait reçu en récompense du pape Grégoire III la dîme que produisaient deux paroisses dont celle de Pouillon.

 On raconte également qu’un Saint Martin aurait fait un rempart de son corps pour secourir le roi Louis VI  qui  était tombé dans une embuscade.

 Un autre fait d’arme est relaté. Lors des guerres de religion, les chefs  des deux armées, pour éviter l’effusion de sang, conviennent qu’un guerrier de chaque camp se battra en combat singulier. Dès que la proposition est annoncée, un Saint Martin sort des rangs pour défendre ses couleurs, terrasse son ennemi et assure la victoire.

 

  Bref historique.

  Les documents et archives découverts par Marc et la tradition font remonter les origines réelles de cette famille à l’époque de  la construction du Château Saint Martin à Pouillon dans les Landes au XIIième siècle. Quatre siècles plus tard, en 1570, Jean-Jacques de Saint Martin épouse Françoise de Lacaze dont la famille est seigneur de ce fief de Pouillon. C’est à partir de ce mariage que la branche cadette va se distinguer des autres branches Saint Martin en accolant à son patronyme celui de Lacaze. Le château de Saint Martin et la maison Lacaze existent encore aujourd’hui.  Les Saint Martin Lacaze séjournent à Pouillon un peu plus de cinq cents ans, jusqu’au début du XVIIIième siècle, date à laquelle ils migrent vers Soustons. Trois frères et sœurs Saint Martin épousent entre 1795 et 1813 trois frères et sœurs Ducasse de Soustons. La famille va faire souche à Soustons et dans ses environs.

 

L’arrivée   des Saint Martin Lacaze à Ronce les Bains

 Paul de Saint Marin épouse en 1874 à La Tremblade Caroline de Casaunau née au Vieux Boucau. Pourquoi avoir choisi de se marier dans cette localité ? La raison en est simple : la mère de Caroline, une Eschauzier en est originaire. Le couple effectue de nombreux allers et retours entre La Tremblade et Tarbes où Paul est juge de paix. Paul fait construire à Ronce  dans les années 1878, une ferme, un chalet flanqué d’une tour qui culmine sur la dune et un autre chalet qu’il échange, en 1890, contre un petit marché dont il était lui-même le promoteur, avec Edouard Perraudeau de Beaufief.


Le Chale Saint Martin trône sur la dune

                              Détente dans la pinède pour la famille de Saint Martin


Ce dernier l’appelle naturellement La Cigogne car cet oiseau figure sur son blason. Il est visible sur l’un des piliers de la chapelle du transept gauche de l’église du Sacré-Cœur de La Tremblade.


Allée des peupliers encadrée de vignes.Au fond La Cigogne

                                     L'allée des peupliers, bordée de vignes, mène à la Cigogne tout au fond

 


La cigogne sur le blason de la famille Perraudeau de Beaufi

                                       La cigogne sur le blason de la famille Perraudeau de Beaufief

 

Caroline, qui a eu la douleur de perdre son premier enfant, Pierre, en met au monde cinq autres : François, Henri, Marie, Rose et Marguerite.

 

  Une abominable tragédie.

 En décembre 1883, c’est le drame, rapporté par la Revue des Basses Pyrénées et des Landes :

« Un épouvantable malheur vient de frapper la famille de Saint Martin Lacaze. Mme Paul de Saint Martin, s’est tuée, le treize, sur la ligne de Bordeaux à Tarbes dans les plus tragiques circonstances.

  Elle était allée passer quelques jours chez ses parents à La Tremblade. Elle revenait à Tarbes où Mr Paul de Saint-Martin est juge de paix, accompagnée de ses  enfants, d’une de ses tantes, Amélie Eschauzier, et de deux bonnes. Sur le territoire de Saint-Perdon, à six kilomètres de Mont de Marsan, la portière, dont on avait oublié de rabaisser le crochet extérieur, s’entrouvre brusquement, et l’un des enfants, une petite fille, Marie, âgée à peine de quatre ans, tombe sur la voie. La mère affolée, se dégageant des étreintes des siens, se précipite par la portière. Sans les efforts des deux domestiques, la tante de Mme de Saint Martin âgée de 72 ans se serait précipitée à la suite de sa malheureuse nièce.

Le train filait à toute vapeur. Aussitôt entré en gare de Mont de Marsan, le chef de gare, prévenu, monte sur un train spécial où prennent place également le préfet des Landes, son chef de cabinet, le commissaire de surveillance administrative et le curé de Saint Martin d’Oney. A l’arrivée sur le lieu de l’accident, un cantonnier de la voie arrête le train, portant dans ses bras l’enfant qui appelait désespérément sa mère. L’enfant n’avait aucun mal.

Trente cinq mètres plus loin gisait le cadavre de Mme de Saint Martin, étendue sur le versant du remblai, la face contre terre, les pieds près du sommet du talus, la tête en bas, une petite tâche bleuâtre sur la tempe, quelques gouttes de sang aux narines. Mr le docteur Despaignet a constaté que la mort était due à une rupture de l’enveloppe du cervelet, causée par un choc en retour. Détail navrant : à une demie lieue de la ville, le train rencontre les enfants et la tante de Mme de Saint Martin arrivant en pleurs au devant du convoi.

Mandé par télégramme, Mr de Saint Martin, mis en présence du cadavre de sa femme qui avait été d’urgence transporté à l’hospice, s’est abandonné à un désespoir d’autant plus violent qu’on avait cru devoir lui cacher l’étendue de son malheur. Les membres du tribunal s’étaient portés à sa rencontre, à la gare.

Le lendemain, un service funèbre, auquel ont assisté les principaux fonctionnaires et la famille, a été célébré à la chapelle de l’hospice d’où le corps a été transporté à Tarbes. »

 

Emménagement au Chalet ronçois.

 Après la mort accidentelle de son épouse âgée de 38 ans, Paul  décide  de s’installer dans son Chalet de Ronce avec son personnel de maison qui loge dans un pavillon voisin.


A droite le pavillon pour le personnel de maison

                                    A droite, le pavillon pour le personnel de maison


Il cultive la vigne sur les terrains récemment gagnés sur les marais et développe la plantation des pins pour fixer les dunes fragiles comme on le fait dans les Landes. L’exploitation des pins, suite au programme de reboisement lancé sous le Second Empire est rentable. Paul fait venir des Landes  des résiniers qui vont s’établir à La Tremblade : les familles Castat, Lemaison, Laubit par exemple. Le gemmage des pins dans la forêt de la Coubre va se poursuivre jusqu’au début des années soixante. Georges Dières Montplaisir, son ami, participe également activement à ces plantations.


Gemmage des pins

                                                          Le saigneur procède au gemmage des pins


 Mais les terrains où la vigne a été plantée ne sont pas très fertiles et trop souvent ensablés. Le phylloxera de 1894, les catastrophes accidentelles (incendies), les catastrophes naturelles (invasion de sauterelles)  portent le coup de grâce à une culture qui a perdu de sa rentabilité. Sans doute ébranlé par tous ces coups du sort,  Paul disparaît à l’âge de 53 ans, le 29 décembre 1898.

 

   Une succession difficile à gérer.

  Parce qu’il est le fils aîné,  François de Saint Martin Lacaze, âgé seulement de 23 ans,  se doit d’assumer la responsabilité de la propriété en indivision, tâche à laquelle il n’est pas  vraiment préparé.


Une partie de la propriété des Saint Martin, en 1891, les

         Une partie de la propriété des Saint Martin en 1891: les vignes, la ferme, le chalet, les terrains du bord de mer. La Cigogne, à droite, a été vendue l'année précédente


  C’est un beau jeune homme blond-roux, dont le visage arbore une superbe moustache.

 Ses cousins Capdepon de Bigu tentent  de  marier leur fille Hélène avec François  mais elle refuse ne le trouvant pas à son goût. Plusieurs années plus tard, les deux jeunes gens se retrouvent et cette fois-ci -souvent femme varie- elle en tombe éperdument amoureuse. Ils se fiancent à Saint-Geours-de- Maremne  à la villa « La Pelouse » qui existe toujours sur la route de Dax et convolent en justes noces à Pau, le 19 octobre 1908. Ils décident de s’installer au Chalet de Ronce. 


La famille de Saint Martin devant le Chalet. A gauche on re

                La famille de Saint Martin devant le Chalet. On reconnaît François devant la calèche


Hélène donne naissance à  Marie-Thérèse,  née dans le Chalet ronçois le jour de Noël 1913, et à Francis  en février 1915.


Le Comte François, la Comtesse Hélène de Saint Martin e

  Le comte François de Saint Martin, son épouse Hélène et leurs deux enfants Marie-Thérèse et Francis

 

Les deux jeunes enfants y mènent une vie heureuse pendant une dizaine d’années, entourés d’une nourrice puis d’une préceptrice Marie Bonnemason originaire de Boeil-Bezing, dans les Pyrénées-Atlantiques. François est un homme entreprenant. Il contribue financièrement à l’édification de la chapelle de Ronce, fait ouvrir une voie qui débute devant l’actuel bar-tabac la Frégate et qui mène en  droite ligne jusqu’à son Chalet, voie dénommée encore de nos jours, avenue de Saint Martin.


Chapelle de Ronce en partie financée par François de Sain

         La chapelle, en partie financée par François, au début du siècle dernier. Le bénitier et l'autel sont toujours les mêmes.


 Voie d'accès au Chalet Saint Martin qu'on aperçoit tout a

                              Voie d'accès au Chalet Saint Martin qu'on aperçoit  au fond

 

Il excelle surtout dans l’organisation de fêtes confessionnelles comme des kermesses ou des processions mariales, lors de l’Assomption par exemple que préside Mgr Eyssautier, l’évêque de La Rochelle.


Un des autels fleuris lors de la fête de l'Assomption

                                              Un des autels fleuris lors de la fête de L'Assomption

 

 

 Anne rapporte une anecdote qui est  symptomatique de la  personnalité de son grand père François. En pleine réception au Chalet, il laisse choir, sur le champ, ses  nombreux convives  pour rendre visite à un ouvrier qui s’est grièvement blessé en chutant d’un arbre.

 

   L’amour de sa patrie.

   Quand survient la première guerre mondiale, François déjà quadragénaire et souffrant d’une surdité handicapante n’hésite pourtant pas à s’engager en vrai patriote comme volontaire, laissant sa femme et ses enfants. Caporal dans la territoriale au 57ième puis au 112ième régiment d’infanterie, il combat à Verdun et au Chemin des Dames et obtient la croix de guerre avec la citation suivante : « Ordre du modèle de dévouement et d’abnégation, resté volontairement au front alors qu’il pourrait invoquer de sérieux motifs pour se faire relever. Possède sur ses hommes un puissant ascendant moral. Le 25 avril  a demandé à conduire en première ligne une corvée délicate de ravitaillement. Le 28 avril en a commandé une autre prise sous le feu et qu’il a conduite à son but »

Sa fille Marie-Thérèse dit que, comme beaucoup, il a été traumatisé par les combats d’une grande intensité dont il ne cessait de parler. Contrarié par des désaccords dus au partage, ruiné par la guerre, par le mode de vie dispendieux de son épouse et par les dettes contractées auprès de son créancier Mr Proust, il se trouve dans l’obligation de vendre à ce dernier tous ses biens vers 1925.

 

  Un patrimoine préservé.

 Après guerre, pendant quelques années, la ferme Saint Martin accueille des camps de jeunes en particulier de jeunes juives, pour offrir un dérivatif et des distractions à ces adolescentes choquées par les horreurs vécues par leurs familles.


Camp de jeunes filles à la ferme Saint Martin juste après

     A la fin des années 40, les marabouts  envahissent la ferme Saint Martin, derrière au second plan


Puis la ferme est abandonnée une bonne quarantaine d’années durant lesquelles sa large clairière offre aux familles une solution de repli commode et bienvenue quand, sur la plage de la Cèpe, le vent se lève et que le temps devient menaçant. C'est  Mr Georges Tessier qui s'en est porté acquéreur.

 En 1949,  Mr Proust revend le Chalet Saint Martin à une usine de Melle, qui va  utiliser les locaux pour en faire une colonie de vacances. Cette usine passe dans le groupe Rhône Poulenc qui, à son tour, envoie en congés les enfants du personnel dans cette vaste demeure arborée. Pendant une bonne trentaine d’années, le Chalet Saint Martin résonne, l’été, des cris de joie des enfants qui ont le privilège de ne séjourner qu’à trois cents mètres de la plage de la Cèpe.


Chalet Saint-Martin transformé pendant plus de trente ans

      Le Chalet Saint Martin a servi de colonie de vacances aux enfants de Melle pendant plus de 30 ans


   En 1982, nationalisé par le pouvoir socialiste, le groupe liquide toutes ses colonies. Au début des années 80, on essaie, sans succès, pendant un ou deux ans, de le transformer en  centre de vacances pour retraités. Le Chalet alors en déshérence est littéralement pillé. Tous ses lavabos sont ainsi arrachés. L’été, il est squatté par des routards. Il fait peine à voir car les ronces depuis plus de dix ans ont envahi le domaine. Heureusement Rhône Poulenc, privatisé à nouveau en 1993, après bien des péripéties, trouve un acquéreur en juillet 1994. Le nouveau propriétaire, tombé sous le charme de cette demeure,  concrétise  un rêve d’enfant. Le Chalet l’a échappé belle ; il était en effet promis à la démolition, des promoteurs voulant raser tous les bâtiments. Cet amoureux des belles pierres sauvegarde  dans un premier temps  ce qui peut l’être, avant de procéder à une remise en l’état en supprimant tous les rajouts de la colonie. Il se fait un devoir de reconstruire toutes les pièces à l’identique, comme si c’était un patrimoine légué par ses ascendants. Bien-sûr cette réfection a un coût mais quand on aime on ne compte ni son temps, ni son argent. Le Chalet Saint Martin a vraiment de nouveau fière allure.


Chalet Saint Martin rénové

                              Le Chalet Saint Martin rénové par son nouveau propriétaire

 

  Un nouveau départ pour la  famille de Saint-Martin Lacaze.

 La famille de Saint-Martin s’installe tout d’abord à La Tremblade à La Coulumière, locataire de la famille Torchu, puis dix ans plus tard à Arvert dans la maison du Maine Geay que leur oncle Jules achète aux noms de Marie-Thérèse et de Francis.


La Coulumière où la famille s'est installée après avoir

                                           La Coulumière où la famille s'est installée après avoir quitté le Chalet


Le Maine Geay acheté par l'oncle Jules

                                                        Le Maine Geay acheté par l'oncle Jules

 

En 1935, François est conseiller municipal de La Tremblade. Cet homme bon et gai mais peu versé dans les affaires décède en 1942 d’une faiblesse du cœur au Maine Geay à Arvert. Quant à son épouse Hélène, après s’être refugiée en zone libre chez une de ses cousines à Saint-Geours-de-Maremne, elle succombe à une crise cardiaque  en novembre 1945 au Maine Geay également, quelques mois après la libération de la poche de Royan.

 

 Marie-Thérèse, la joie de vivre au service des autres.

  Marie-Thérèse est restée célibataire. Pensionnaire dans un établissement privé du  Limousin, elle commence à travailler comme vendeuse dans un magasin de vêtements puis, dès 1935,  elle est embauchée par l’entreprise ostréicole Fraigneau  jusqu’à la retraite qu’elle passe à la Tremblade.


Etablissements de la famille Fraigneau où ont travaillé

                                     Etablissements Fraigneau où ont travaillé Marie-Thérèse et Francis

 

 

Marie-Thérèse au centre. A gauche Jean-Marc Fraigneau sur

                        Au centre Marie -Thérèse. A sa gauche,  Jean-Marc Fraigneau à bord de l'Espoir

 

Elle adore monter sur les planches pour jouer sketches et pièces avec les gens du pays. Elle se charge aussi de la distribution du journal paroissial La Presqu’île d’Arvert. De plus, elle est unanimement appréciée pour son dynamisme et son dévouement pour les autres notamment les plus démunis.

 To Miette, comme on la surnomme, appelle ses nièces qu’elle chérit par-dessus tout, «  ses langoustines ». Elle a coutume de rendre visite à ses cousins en Dordogne. Les deux cents kilomètres à parcourir en solex ne l’effraient pas le moins du monde. S’étant dangereusement embourgeoisée avec l’achat d’une 2 CV, elle ne se rend pas compte  qu’elle grille allègrement le feu rouge nouvellement installé boulevard Pasteur. Encore maintenant, sa célébrissime décapotable aux chevrons est intimement liée à sa personne. 

Atteinte par la maladie d’Alzheimer, la marraine d’Anne s’éteint en 2007.

 

 Francis, un homme plein d'énergie.

 La ruine de ses parents va contraindre Francis à travailler dès l’âge de seize ans dans les cabanes ostréicoles. En 1936, il fait  son service militaire en Savoie dans les chasseurs alpins. Pendant la drôle de guerre en 1939, il se retrouve au fort de l’Esseillon. Démobilisé en août 1940, il rejoint La Tremblade. En 1944, il traverse  la Seudre pour rejoindre les FFI et participe à la libération de la Saintonge. Avec quelques hommes, il assure la garde de l’île Madame, se prenant pour son « gouverneur.»

 

 Une rencontre électrisante.

 Marguerite Massip, surnommée, Maguite, rencontre Francis en 1946 chez Paul de Chalup et Marie Alix de Gardonne, à Puy-Joli en Dordogne. Francis est le cousin de Paul et Maguite la cousine d’Alix. Maguite raconte : « J’habitais Périgueux et j’avais décidé de rendre visite à ma cousine. Je l’appelle au téléphone. Elle me demande de venir l’aider à accueillir une belle sœur et un cousin. Au moment où je veux lui signifier mon refus, elle a déjà raccroché. Je me suis donc résignée à y aller et c’est là que j’ai fait la connaissance de Francis et que je suis tombée amoureuse de lui en changeant une ampoule ». Visiblement le courant est passé tout de suite. Au printemps de l’année suivante, ils se marient au  château de Pouyol à Villamblard, château familial dont  Isabelle de Maillard, la tante de Maguite est propriétaire.    Maguite, qui a fait des études supérieures enseigne dans des écoles ménagères, se déplace à vélo, en solex elle aussi, avant de conduire en 1963 une superbe Panhard verte.

 

Les quatre filles de Francis et de Marguerite.

1948, 1949, 1952, 1955 sont les années de naissance d’Anne, d’Isabelle, d’Hélène et de Claire.


Les quatre filles Saint Martin, debout de gauche à droite

  Les quatre filles de Saint Martin. Debout de gauche à droite Anne et Isabelle, assises, Claire et Hélène


Hélène qui se considère comme une enfant terrible reprend le jeu de mots souvent entendu. « Anne et Isabelle éclairent Hélène ». Un jour, elle monte sur le toit ; sa sœur Anne,  tend son tablier, moyen dérisoire pour amortir sa chute au cas où elle voudrait se jeter dans le vide. C’est un voisin, attiré par les cris, qui réussit à la faire descendre sans dommages.

 

  Le sort s’acharne sur la famille de Saint Martin

 Leur père qui, depuis son enfance, est très attiré par la mer, pêche sur un chalutier, le Progrès, qui mouille à La Tremblade. Francis est une figure de la presqu’île. La casquette ou le béret vissé sur la tête, il part en mer même par mauvais temps. Sa femme passe des nuits sans sommeil à attendre son retour. Deux marins, Mrs Caillon et Paillet qui n’ont pas leur brevet de navigation, complètent l’équipage Un jour de 1953, ils empruntent le bateau sans l’aval de Francis et  par malheur, emportée par le mauvais temps, l’embarcation sombre  Ils disparaissent en mer. Francis qui a refusé de les dénoncer est lourdement condamné par les autorités maritimes pour ne pas les avoir prévenues de la disparition du bateau. Comme il aurait dû être  à bord, il n’est pas indemnisé. Outil de travail perdu, procès perdu.

 

   Une réaction salutaire.

 Il retrouve alors du travail comme ostréiculteur dans l’entreprise Fraigneau où il rejoint sa sœur. Il achète un chalutier, le Pax Christi qu’il ne doit en aucun cas débaptiser. Avec son épouse, il devient également gérant, l’été, de deux campings qui encadrent le restaurant Forêt Plage.


Au milieu des deux campings donnant sur la plage,le restaur

            Au milieu des deux campings donnant sur la plage de la Cèpe, le restaurant Forêt plage


Ces terrains, particulièrement bien situés parce qu’ils donnent sur la plage de La Cèpe, appartiennent à une cousine de Francis, Madeleine Réjou-Perret qui a migré aux Etats-Unis. Quelques années plus tard, Madeleine vend ces deux terrains de camping à la commune. Dans le premier, Mr et Mme Couturier tiennent une épicerie qu’ils transforment en une  salle  de restaurant La Réserve où beaucoup de personnes seules viennent prendre pension.


La Réserve sur l'avenue de la Cèpe

                                                La réserve sur l'avenue de la Cèpe


A la fin des années 60, Maguite de Saint Martin occupe le poste de directrice de la maison familiale de la FAVAC jusqu’en 1984, d’abord dans le bâtiment allée des Cormorans, appelé toujours Côte de Beauté  puis à l’emplacement de la nouvelle Pergola avenue de Saint Martin.


FAVAC à La Pergola

               La  FAVAC  dirigée par  Marguerite de Saint Martin dans les locaux de La Pergola


Elle prend en charge l’hébergement et l’intendance des familles et des personnes âgées venues passer leurs vacances de juin à septembre à moindre coût. Francis l’aide dans sa tâche. Hélène se souvient que son père préparait de gigantesques terrées pour le plus grand plaisir des estivants.


Francis et son épouse à la Pergola

                               Francis et son épouse Marguerite à l'accueil de la Pergola


Préparation d'une terrée pour la Favac

                             Préparation d'une terrée pour les pensionnaires de la FAVAC


 Conjointement il est moniteur de voile au CVR, le club de voile ronçois.


Ancien club de voile ronçois à la place de l'actuelle bas

                     L'ancien club de voile ronçois (CVR) remplacé maintenant par la base nautique


A cette époque-là, il n’y a qu’un seul bateau pour donner des cours, un cazavant, peu maniable, dans lequel cinq ou six élèves prennent place. Francis peut se vanter d’avoir formé des générations d’amoureux de la voile. Anne, sa fille aînée qui est alors secrétaire du club, rappelle que, suite à une mauvaise manœuvre de ses apprentis matelots, Francis s’est cassé le coccyx.


Francis à la barre du Cazavant de l'école de voile

                                               Francis à la barre du cazavant de l'école de voile


Elle parle toujours avec émotion de son père qui, après une journée de travail,  est allé la chercher en Normandie, coincée qu’elle était, par une grève des trains. Un des plaisirs de Francis est d’accompagner au cinéma Saint-Martin, bien-sûr, ses quatre filles pour voir le dernier film sorti. Mais la plupart du temps, il s’endort dès le début de la séance. Maguite et Francis gèrent aussi la location de quelques villas. Maguite accueille ainsi à la villa Kismet avenue Camille Daniel, des jeunes étrangers, désireux d’apprendre le français.


Villa Kismet où ont séjourné de nombreux jeunes étrange

                                             Villa Kismet où ont séjourné de nombreux jeunes étrangers

             


En 1973, le matin du mariage d’Anne et d’Antoine Rebillard dans la nouvelle Pergola, Francis, comme il sied à un comte,  revêt son frac, qui, malheureusement,  n’est pas à sa taille. Le voilà donc parti en catastrophe à La Rochelle changer son habit. Il a juste le temps de revenir pour la cérémonie.


Francis en frac conduit Anne jusqu'à l'autel de l'église

          Francis en frac conduit Anne jusqu'à l'autel de l'église du Sacré-Coeur de La Tremblade


 Francis prend sa retraite en 1970 tout en continuant à travailler chez Fraigneau. Il aurait pu enfin goûter aux délices d’une retraite paisible, mais le mauvais sort qui ne lui laisse décidément aucun répit s’acharne contre lui et ses proches. Sa fille cadette, Isabelle, qui rallie Contamines Montjoie en Haute-Savoie où elle est monitrice à la FAVAC, perd la vie près de Bellac dans un accident de voiture.


Arrêt pique nique à Semussac.Au premier plan, Anne et sa

  Arrêt pique-nique à Semussac lors du pélérinage des jeunes à Talmont. Au premier plan Anne, à côté d'elle, Isabelle


Francis, très affecté par cette disparition prématurée, décède à l’âge de 71 ans. Il est enterré  avec son épouse qui a quitté les siens en 2009, dans la chapelle familiale du cimetière de La Tremblade, sur ce coin de presqu’île où tous les Saint Martin Lacaze ont choisi de vivre et de reposer en paix.


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                  A droite, chapelle où sont inhumés les membres de la famille de Saint Martin

 

 

     Des traces indélébiles.   

 Leur disparition clôt un chapitre ouvert il y a plus de 100 ans avec l’arrivée de la famille de Saint Martin Lacaze à Ronce. Anne et Antoine habitent désormais en Mayenne, Claire et  son mari Marc Eissautier en Haute-Garonne. Seule Hélène et son mari Daniel Martin, cela ne s’invente pas, ont élu domicile à Arvert juste à coté du Maine Geay.

 Pour autant, le nom des Saint Martin perdure dans la mémoire collective grâce aux travaux de Marc et aux lieux emblématiques qui continuent d’enchanter Ronce comme le Chalet Saint Martin, la villa La Cigogne, allée des peupliers,  acquise en 2007 par Mr Jacky Dutillieux, et la Ferme Saint- Martin qui, devenus  résidences à l’année de leurs nouveaux propriétaires, ont retrouvé leur lustre d’antan.


La Cigogne elle aussi restaurée

                           La Cigogne elle aussi restaurée. En haut à droite, l'oiseau emblèmatique

 

 Ajoutons l’ancien nom du cinéma Saint Martin, rebaptisé Cristal, la très vaste avenue de Saint-Martin, l’avenue Hélène, plus modeste, qui lui est parallèle et le nouveau restaurant  Martin Plage.

 

 Il est bon de rappeler, que malgré les épreuves et les malheurs qui n’ont pas épargné bon nombre des membres de cette dynastie, une foi fervente, affichée notamment par deux  devises des blasons de la  famille : « Deus adjutorium in adversis  » : Dieu est mon soutien dans l’adversité et «  Cruore Christi Cruesco » : Je brille du sang du Christ, leur a permis de traverser les siècles tout en restant attachés à des valeurs  universelles.

 


CCF22092010 00006Blason des Saint Martin Lacaze et des Capdepon de Bigu 

 

 

     Blason des Saint Martin Lacaze                                                         Blason des Saint Martin et des Capdepon de Bigu                                                              

 

 

ch st martin 06 001

 

 

  Grâce au courage de leurs ascendants, les quatre filles de Saint Martin Lacaze ont tout lieu d’être fières de voir figurer leurs noms sur la toile où sont recensés les descendants d’Hugues Capet dont la filiation est encore représentée en 2011. Les trois générations dont nous avons suivi la saga ont laissé leur empreinte dans l’Histoire de notre pays mais plus encore dans celle de Ronce les Bains.

 

                                                           Daniel Chaduteau.          

 

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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 16:07

 

  Pendant la saison estivale et mieux encore hors saison, quand les vacanciers ont regagné leurs pénates et leurs enfants retrouvé leurs camarades de classe, il est un bonheur simple, gratuit, vivifiant, c’est musarder, flâner dans les allées de Ronce pour admirer les villas et tenter de retenir leurs noms. Les propriétaires anciens et nouveaux ont choisi la plupart du temps les prénoms de leurs enfants ou de leurs petits enfants. Certains ont privilégié des calembours,  Hasty-Cottage en est un exemple, d’autres enfin sont restés sobres. Parmi toutes ces appellations, quelques-unes attirent l’attention et intriguent le marcheur. C’est le cas de la villa El Chenoua, nom qui fleure bon l’exotisme dont nous avons retrouvé les occupants.


Ombre et lumière sur El Chenoua

 

                                                Ombre et lumière sur El Chenoua

 

 Un Ronçois de souche.

 Heureuse coïncidence, le maître des lieux, Jean-Claude Lecomte, est né à Ronce, allée d’Aunis en 1935 au numéro trois dans la villa P’tit Sou dont l’inscription, malgré les outrages du temps et l’adjonction d’un nouveau crépi, est encore visible. Le nom de cette villa renvoie à celle qui lui tourne le dos, avenue de Saintonge, propriété de Monsieur Bonamour, intitulée Ma tirelire. Ce dernier a eu l’idée de l’appeler ainsi pour qu’un sou, même p’tit, voisine avec sa tirelire.Villa P'tit sou,allée d'Aunis

                                                 Villa Ptit sou, allée d'Aunis


 Les grands parents de Jean Claude, Jean Baptiste Jules Lecomte né en 1862 et sa femme Pauline née en 1871 sont originaires de l’est de la France. Jules, ingénieur des Arts et Métiers, débute sa carrière comme expert de la vérification de bateaux pour la sociétéVeritas à Ostende. Ses différentes affectations l’amènent à fréquenter plusieurs ports de la Manche et de la côte Atlantique. C’est ainsi qu’il débarque, si l’on peut dire, à Rochefort au port de la Renaissance.  Puis il choisit de s’installer à La Tremblade.

 

La saga de l’entreprise Lecomte.

  Il y crée en 1926 un chantier naval, quai de l’atelier devenu boulevard Roger Letélié.


Chantiers navals Lecomte quai de l'Atelier

                                                        Chantiers navals Lecomte, quai de l'Atelier

 

Il décède en 1933. Ses quatre enfants René, Paul, Jean, Marie-Louise et son épouse Pauline vont diriger en nom collectif les Etablissements Lecomte qui vont s’appeler Lecomte – Boulanger quand  le beau frère de Jean-Claude, Henri Boulanger et son cousin germain, Henri Lecomte, intègrent la Société puis plus tard simplement Boulanger. Les deux associés,  pour honorer leurs commandes de plus en plus nombreuses, prennent l’initiative de construire une autre structure rue de la Corderie. Les établissements comptent alors une quinzaine d’ouvriers,  charpentiers et mécaniciens. C’est au milieu des années quatre-vingt que Jean-Pierre Joubert, qui a fait  la majeure partie de sa carrière chez  Lecomte et a gravi tous les échelons, reprend les chantiers Boulanger.


Le dernier propriétaire des chantiers navals créés par J

                                        Le dernier propriétaire des chantiers navals créé par Jules Lecomte

 

Il poursuit son activité jusqu’en 2007. Le dernier chalutier Le petit Boer qui a vu le jour dans les Etablissements Joubert mouille dans le port de la Côtinière. Actuellement les Etablissements Menadier (assemblage de cagettes d’huîtres) occupent des locaux de la rue de la Corderie.


Assemblage des cagettes d'huîtres

                                 Assemblage de cagettes d'huîtres aux Etablissement Menadier       

 

   Un spectacle mémorable.

  Le lancement d’un bateau est toujours un événement et attire la grande foule. Le bateau, sorti du hangar sur un chariot, est placé perpendiculairement au chenal. L’arrière est face à la glissière enduite de suif, l’avant très haut -une voiture peut aisément passer dessous- est retenu par des câbles. Au moment de la mise à l’eau, un mécanicien monte à bord. Le bateau alors libéré descend en trois secondes sur une glissière inclinée à quarante - cinq degrés. Quand l’arrière du bateau touche l’eau, le moteur doit impérativement se mettre à tourner pour continuer sa course. Cette opération est dangereuse. Les curieux sont priés de s’écarter au maximum.

Un bateau juste avant sa mise à l'eau

                                                                        Un bateau juste avant sa mise à l'eau

               

 

Lorsque les ouvriers voient, à marée haute, s’éloigner leur dernier né sur le chenal, leur visage rayonne. Ils sont soulagés et surtout fiers de leur réalisation. Parfois l’aumônier des marins, le père Michel, vient bénir le bateau. Il ne reste plus qu’à sa marraine de lancer et  de briser une bouteille de champagne sur l’étrave pour le baptiser. A noter que les chantiers navals Lecomte-Boulanger ont toujours entretenu de bonnes relations avec l’établissement concurrent dirigé par Monsieur Bernard.

   Les Etablissements Lecomte-Boulanger amènent en accord avec la municipalité  quelques bateaux hors d’usage au Mus de Loup pour y retenir le sable.


Vue aérienne du Mus de Loup, on aperçoit des bateaux hors

                   Vue aérienne du Mus de Loup. On aperçoit quelques bateaux hors d'usage

 

Des souvenirs d’enfance dominés par la guerre

 Jean-Claude apprend à faire du vélo, allée d’Aunis qui, à cette époque là, est encadrée de peupliers.


Jean-Claude allée d'Aunis bordée de peupliers

                                                             Jean-Claude, allée d'Aunis bordée de peupliers

 

De nombreux Ronçois, parmi lesquels, Jean, son père, futur conseiller municipal,  se démènent pour obtenir la construction d’une école primaire à Ronce. Ses sœurs Monique et Chantal nées respectivement en 1932 et 1933 vont l’inaugurer en 1938.

L'école de ronce en 1975

                                                         L'école de Ronce en 1975


  Quand il aborde les années sombres de l’occupation, la machine aux souvenirs de Jean- Claude fonctionne à plein régime. Celui qui l’a le plus marqué et dont il parle encore avec émotion touche sa famille. Un soldat allemand est abattu devant la villa Tango où logent ses grands- parents maternels.


La villa Tango tout au fond à gauche

                            La villa Tango tout au fond à gauche à l'entrée de Ronce


Sa grand-mère, une alsacienne, aurait enjambé la victime sans s’inquiéter de son sort. Le lendemain de l’attentat, les forces d’occupation recherchent des armes  dans chacune des maisons. Le père de Jean-Claude, un résistant, attend avec inquiétude derrière la porte. Une sentinelle est en faction allée d’Aunis. Christiane Dubois, leur voisine d’en face, est une jolie blonde. Elle n’hésite pas à jouer de ses charmes pour distraire le soldat tant et si bien que sa maison et celle de Jean-Claude échappent à la fouille. Sa mère ignore que son mari a enterré des armes dans la cour, le long du mur. Quand elle apprend la vérité, le choc est trop violent, elle s’effondre.

Autres souvenirs bien vivaces. La classe a lieu non plus à l’école réquisitionnée mais au rez-de-chaussée du Grand Hôtel. Jean-Claude et ses copains ont la surprise de voir arriver des bus parisiens, bus à plate-forme, bondés de russes, des cosaques antistaliniens, qui vont occuper tous les étages de l’établissement.

Monsieur Carollaud, propriétaire des restaurants La Côte d’Argent et La Pergola, alors qu’il pousse une charrette à bras avenue de Saint Martin, est  blessé en sautant sur une mine.

Au carrefour de l’allée de l’Aunis et de l’avenue de Saintonge, un landais Monsieur Bosmorin habite une maison blanche, la villa Grand-Maman qui existe toujours. Il est scieur de bois. Il possède également deux fours pour fabriquer le charbon de bois qui sert de combustible aux véhicules à gazogène. Quand survient une alerte, les Ronçois, pour se mettre à l’abri, rejoignent le fossé parallèle à l’actuelle allée des Genets derrière le casino, fossé recouvert de planches elles-mêmes recouvertes de terre pour se protéger des éclats d’obus. Pour Jean-Claude qui a  pour compagnes de jeux Martine et Chouane, deux superbes mules, c’est très excitant de se dissimuler ainsi.

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   Un accident cuisant

  Resté à l’école de Ronce jusqu’à l’âge de treize ans Jean-Claude continue ses études pendant deux ans comme interne au cours complémentaire de Marennes dont Mr Quentin est le directeur. Il rejoint la grève à vélo pour prendre une ancienne péniche de débarquement nommée André Lecêtre qui fait office de bac pour traverser la Seudre.


La péniche André Lecêtre qui servit de bac après guerre

                                           La péniche André Lecêtre  qui servit de bac après guerre

 

Ce jour de février 1949, il est monté sur la passerelle ce qui est formellement interdit. Au moment du départ, un copain qui l’accompagne ne trouve rien de plus intelligent que de le bousculer. Jean-Claude tombe dans l’eau glacée. Il porte une lourde canadienne qui entrave ses mouvements. Le bac se dirige vers lui mais le chef de patrouille scoute qu’il est ne panique pas, se dégage du bac qui s’arrête aussitôt.


Jean-Claude scout et chef de patrouille

                                                                    Jean-Claude scout et chef de patrouille


Un chauffeur livreur des transports Mora s’accroche au bastingage en tendant le pied que Jean-Claude saisit. Il est récupéré par les mécaniciens qui le frictionnent pour éviter l’hypothermie. Jean-Claude se tire de cette situation délicate sans même être enrhumé. Son camarade lui aussi reçoit de la part de son père une friction, mais d’une tout autre nature.

 

 Une découverte imprévue.

 A peu près à la même époque, au début des années cinquante, au début du chemin qui mène à la ferme Chaillé, est plantée une croix signalant la tombe d’un soldat, tombe régulièrement fleurie par les enfants de l’école. Un jour, le maire de La Tremblade, le docteur Fourcade prend l’initiative d’en récupérer les ossements. On commence donc à déterrer le cadavre, mais l’œil averti du maire lui fait vite comprendre que les os n’ont rien d’humain. Aussi ne peut-il s’empêcher de s’exclamer «  M…, c’est un chien » ce qui provoque les sourires amusés de ses administrés.

 

Les années d’insouciance.

 Après ses années de collège à Marennes, Jean-Claude rentre à Fernand Chapsal, le lycée de Saintes. Puis il étudie la comptabilité pendant deux ans pour travailler dans l’entreprise familiale. Comme tous les jeunes de vingt ans de la presqu’île, il va danser avec ses amis à La Chaumière qui ne se trouve qu’à  deux cents mètres de sa maison natale. La patronne Mme Aimée Soubise les accueille toujours avec affection en leur lançant : « Alors mes petits chéris, vous venez danser ? » Jean-Claude apprécie les soirées à thème surtout les soirées déguisées.


Tout au fond de la terrasse, le dancing de La Chaumière

                           Tout au fond de la terrasse,le dancing de La Chaumière

 

A la fermeture de La Chaumière à deux heures du matin, une joyeuse troupe se regroupe autour de Pierre Magnan et Mr Gobeau qui jouent respectivement de l’accordéon et du violon. Ils empruntent l’avenue de Saintonge pour retrouver le chemin qui longe la Louisiane en direction du Mus de Loup. Dans la salle de restaurant, sous la tonnelle, le maître de céans, Pierre Magnan, prépare pour ses convives des omelettes au jambon, accompagnées du vin blanc local Le Rayon d’Or. Un demi siècle plus tard, Jean-Claude en salive encore.


Salle du restaurant du Mus de Loup sous la tonnelle

                                        Le bar et la salle de restaurant du Mus de Loup sous la tonnelle


 

 La loi est dure mais c’est la loi

  Dans les rues de Ronce, principalement dans l’avenue Gabrielle, la plus commerçante, règne une de ses vieilles connaissances, son oncle, ancien adjudant-chef de gendarmerie devenu appariteur, Mr Henri Blanque.


Avenue Gabrielle,Henri Blanque au centre fait respecter la

                                           Avenue Gabrielle. Henri Blanque, au centre, fait respecter la loi

 

Un jour de Pâques, Jean-Claude vient de garer son aronde devant la mercerie Bonnaud-Gaudin. C’est alors qu’il voit surgir le vélomoteur du représentant de l’ordre. Son oncle, après l’avoir salué à la façon d’un militaire, l’interpelle de sa voix de stentor : « Monsieur vous êtes stationné du mauvais côté ! » Il n’est pas besoin d’ajouter que ces reproches réitérés n’amusent guère le jeune homme.

 Pour oublier ces moments désagréables, Jean-Claude se rend à l’entrée de Ronce. Derrière le losange célèbre, sont fixés des panneaux sur lesquels les commerces ronçois font leur publicité.  Sur une esplanade en béton où aujourd’hui se trouve le restaurant l’Orée des Bois, Jean-Claude et son ami Jacques Faucheux bricolent un terrain de tennis. Avec des bandes de tissus attachées à une ficelle et à deux poteaux, ils installent ce qu’ils appellent un filet caleçon. Cet espace, bétonné par l’occupant, est très prisé également par les joueurs de jokari.


Derrière le losange à droite un enfant joue au jokari

                    A droite, derrière le losange, deux enfants jouent au jokari sous les arbres

 

 Horizons lointains.

 Jean-Claude qui n’a pas vraiment de goût pour la comptabilité et qui ne souhaite pas travailler avec les membres de sa famille rêve d’autres horizons.

L’arrêt de ses études signe la fin de son sursis. Deux mois après, il reçoit son affectation. Comme hors-d’œuvre, l’Allemagne pendant quatorze mois avant de rallier l’Algérie.

 Pendant seize mois Jean-Claude sert dans un régiment opérationnel avec le grade de Maréchal des logis. Les missions des commandos sont nombreuses, difficiles et particulièrement dangereuses. Il n’aime pas s’étendre sur cette période douloureuse de sa vie. Rejoignant la base arrière, il arrive à Aumale, le rempart des gazelles traduction de son nom en arabe.


Quartier militaire d'Aumale au début du XXième siècle

                                 Quartiers militaires d'Aumale au début du XXième siècle


Juchée à 890 mètres d’altitude, cette ancienne ville romaine d’Anzia, fondée sous l’empereur Auguste, se situe à une centaine de kilomètres au sud-est d’Alger. Entourée d’un mur percé de quatre portes,  c’est un centre essentiellement militaire. L’acteur Jean-Claude Brialy, dont le père était officier, y est né en 1933.


Jean-Claude Brialy natif d'Aumale en 1985 au festival de Co

                       Jean-Claude Brialy, natif d'Aumale, en 1985 au festival de Cognac

 

 C’était écrit.

  Le jour de son arrivée, son attention est attirée par une jeune fille qui part en vacances à Cherchell, ville sise à 90 kilomètres à l’ouest d’Alger. Celle-ci revient deux mois plus tard pour préparer la rentrée. Nicole Raimbault est en effet institutrice à Aumale, son premier poste. Elle a en charge un cours préparatoire dont l’effectif est surréaliste, cinquante- sept  élèves.


A gauche,Nicole Raimbault et ses élèves lors de la venue

         A gauche, Nicole Raimbault avec ses élèves lors de la venue du général Massu en 1958


A sa descente du bus, mektoub (c’était écrit), elle fait connaissance de Jean-Claude. Ainsi débute une idylle qui se concrétise en 1959 par un mariage à Zurich près de Cherchell, l’ancienne Césarée romaine. L’acte de mariage en coopération porte le n°1.


Les jeunes mariés, Jean-Claude et Nicole

                                                                  Les jeunes mariés, Jean-Claude et Nicole

 

La mère de Nicole, Léa, est journaliste. Elle s’est remariée avec Henri Baretaud député maire de Cherchell  et vice- président de l’Assemblée algérienne. Depuis 1942, l’Ecole d’officiers de réserve  a élu domicile dans cette ville côtière.


Henri Baretaud passe en revue les élèves de l'Ecole d'of

                     Henri Baretaud passe en revue les élèves de l'Ecole d'officiers de réserve


Pour suivre son épouse, Jean-Claude devient à son tour instituteur après un stage à l’Ecole Normale de Bouzareah. Ils sont, tout d’abord, nommés à Bou Saâda (la cité du bonheur de1959 à 1961) à plus de deux cents kilomètres au sud-est d’Alger, puis non loin d’Aumale à Aïn Bessem en Kabylie de 1961 à 1965.


Dernière affectation en Algérie à Aîn Bessem

 

                                                                Dernière affectation en Algérie à Aïn Bessem      

 

En 1963, Nicole met au monde Lionel son premier fils, le second Jean- Marc naîtra en 1971.

 

Retour en France.

 En 1965 craignant pour leur sécurité, ils regagnent la métropole. De 1965 à 1970 Jean-Claude a la responsabilité d’une classe unique de 40 élèves à la Chapelle sur Chézy, classe qui ne l’a pas oublié car elle l’a invité en mars dernier quarante ans plus tard.


Classe unique à La Chapelle sur Chezy. A lgauche de Jean-C

                              Classe unique à Chapelle sur Chezy.A gauche de Jean-Claude, son fils Lionel

 

Puis de 1970 à 1991 il est directeur d’école de Croutes sur Marne et premier magistrat pendant deux mandats.


Jean-Claude dans son bureau de maire à Croutes sur Marne

                                                  Jean -Claude dans son bureau de maire à Croutes sur Marne

 

Quant à Nicole, elle exerce, durant vingt-neuf ans au collège François Truffaut de Charly sur Marne, la fonction de conseillère d’éducation.

 

 El Chenoua à Ronce les Bains.

  L’heure de la retraite ayant sonné au début des années quatre-vingt-dix, Jean-Claude quitte la Champagne et s’installe avec son épouse dans la ville qui l’a vu naître. Tous les chemins ne mènent-ils pas à Ronce ? Il est vrai que depuis 1965, ils  reviennent régulièrement en vacances dans un préfabriqué au Riveaux, à La Tremblade. En 1974, ils se portent acquéreurs  de Jeannette, la villa de leur oncle,  Mr Fernand Besson. Ils la débaptisent et la nomme El Chenoua.

Ce massif montagneux, qui culmine à neuf cents mètres, domine la plage de Tipaza.  Il ressemble, dit-on, à une femme enceinte allongée.


El Chenoua domine la baie de Tipaza. A droite la stèle en

                       El Chenoua domine la baie de Tipaza. En bas,à droite, la stèle en lhonneur de Camus

 

Pour Nicole, il est un peu sa montagne Sainte-Victoire. Dans son salon, le tableau superbe qu’elle en a fait rappelle la douceur de vivre et les drames de cette Algérie qu’ils ont tant aimée. Face au djebel Chenoua, est érigée une stèle pour honorer Albert Camus sur laquelle on peut lire cet extrait des Noces de Tipaza : « Je comprends ici ce qu’on appelle gloire. Le  droit d’aimer sans mesure. Il n’y a qu’un seul amour dans ce monde. Etreindre un corps de femme, c’est aussi retenir contre soi cette joie  étrange qui descend du ciel vers la mer… »



Jean-Claude et Nicole en 2009 le jour de leurs noces d'or

                             Jean-Claude et Nicole en 2009, le jour de leurs noces d'or.

 

  Les trois ports d’attache, mieux les trois cœurs d’attache de Jean-Claude évoquent les paroles de la chanson de cet ancien instituteur de sa génération, originaire d’Algérie, Enrico Macias. Le premier, son chemin d’horizon, c’est Nicole, avec qui il a fêté ses noces d’or, ses enfants et ses cinq petits enfants ; le second, le souvenir d’un pays de passions ; le dernier, le toit de sa maison de Ronce les Bains. 

 

 

                                                          Daniel Chaduteau         18  novembre 2011

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7 août 2011 7 07 /08 /août /2011 11:29

 

 

                                  La Belle Epoque et ses bains de mer.

 

   Avant de décrire les moments qui ont marqué la fête des Bains de mer de la Belle Epoque du 20 au 23 juillet 2011 à Ronce, un rapide rappel de leurs origines paraît opportun.

 

Affiche conçue par Pascal Langendorff d'après une aquarel

                    Affiche conçue par Pascal Langendorff d'après une aquarelle de Bénédicte Stef-Frisbey

 

  Quand on évoque les bains de mer, on pense d’emblée aux vacances, au plaisir de nager, de se rafraîchir, mais également au bien-être, à la remise en forme. Il est bon de rappeler que le mot thalassothérapie, abrégé en thalasso, nom de consonance grecque qui semble nouveau,  apparaît pourtant pour la première fois dès 1865.

 

 Bref historique de l’origine des bains de mer.


  On s’accorde à dire que cet engouement pour les bains de mer a débuté au XVIIIème siècle en Angleterre quand, dès 1753, le docteur Russel publie son ouvrage : « Les effets des bains de mer sur les glandes ». Convaincu par le sérieux de cette étude, Le Prince de Galles, trente ans plus tard, se rend à Brighton pour apporter son soutien à l’ouverture du premier établissement de bains. Premier, pas si sûr.

  De nombreuses personnalités romaines au rang desquelles on retrouve à la fin de la République, Marius, Pompée, César, Cicéron ont coutume de séjourner à Baïes une station balnéaire du golfe de Pouzzoles à une trentaine de kilomètres de Naples. Ils y font construire de superbes villas possédant toutes des thermes privés de grande capacité. Cette cité voit également l’aménagement de viviers alimentés en eau de mer et la création des premiers parcs à huîtres. Se régaler de poissons frais et de fruits de mer devient pour ces notables un luxe  ordinaire.

  Cette station réputée aussi pour la douceur de son climat et la beauté de ses plages continue d’être un lieu de villégiature privilégié pour les empereurs comme Caligula, Claude, Néron ... Aussi décident-ils d’y faire construire un palais dans lequel  Hadrien finira ses jours.  C’est enfin à Baïes  que le médecin d’Auguste, Antonius Musa, présageant les vertus thérapeutiques de l’eau de mer, préconise déjà de prendre des bains de mer glacés.

 

  Partie d’Angleterre, comme on l’a vu, la vogue des bains de mer traverse la Manche. Dès les années 1820, à Dieppe et à Boulogne sur Mer, on assiste à l’inauguration des premiers établissements. Mais  c’est sous le second Empire que, grâce au développement du transport ferroviaire,  des villes comme Biarritz, Deauville et beaucoup d’autres vont gagner leurs lettres de noblesse.

 

Arrivée des bains de mer à Ronce les Bains.

    Deauville, l’an passé, a fêté comme Ronce, le 150ème anniversaire de sa création. L’excellent historien local, Michel Chaigne, apporte la preuve que l’arrivée des bains de mer à Ronce  coïncide   avec son inauguration. Il cite en effet la lettre du préfet envoyée au maire de La Tremblade le 28 juin 1860 : « Le Maire de la Tremblade est autorisé à établir sur la plage du Mus  de Loup à l’embouchure de la Seudre vingt cabanes de baigneurs pendant la saison des bains de 1861 ; les cabanes ne seront point fixées et seront enlevées du premier au quinze septembre au plus tard ; elles seront de quatre m2 et la commune paiera une somme de deux francs par cabane dans la caisse de Mr le receveur... »

Michel Chaigne ajoute : « Ronce les Bains n’était alors qu’un modeste hameau, propriété quasi exclusive d’Edgar Perraudeau de Beaufief, où un chalet, une ferme et quelques pavillons permettaient aux baigneurs de passer la journée sur la côte, voire de s’y loger. L’inauguration officielle de ces bains de mer eut lieu le  5 août 1860. »

 

 Un docteur visionnaire.

  C’est le livre Des bains de mer de La Tremblade, ouvrage du Docteur  Brochard, publié le 15 juin 1862 qui va faire connaître les bienfaits attribués aux bains de mer et ainsi participer grandement  à l’envol  et à l’expansion de Ronce.

André Letélié dans son étude parue en 1890 : Ronce les bains, Marennes et la côte saintongeaise, lui rend un vibrant hommage : « Le docteur Brochard se rendit compte de ressources hygiéniques, offertes surtout à l’enfant par une plage de plusieurs kilomètres d’étendue, à pente extrêmement douce. Les senteurs balsamiques des pins, un air salin vivifiant, une température qui permet à la flore du midi de croître spontanément, il ne lui en fallait pas davantage pour le confirmer dans l’idée qu’il avait sous la main tous les éléments réunis pour une station balnéaire. » Saluant également l’apport irremplaçable de deux autres fondateurs Georges Dières Monplaisir et Paul de Saint Martin Lacaze, il poursuit : « Actuellement, aux quelques  chalets qui bordaient la falaise, au Grand Chalet très agrandi qui fut le premier jalon planté sur cette grève, il s’en est joint une foule d’autres (sur un plan daté de 1890, on en comptabilise vingt quatre, soit plus d’un tiers des constructions ronçoises) permettant à deux cents baigneurs de se livrer  aux plaisirs d’une agréable villégiature… » Et il conclut : « Cette plage est maintenant couverte de cabanes de baigneurs. »


Le premier Grand Chalet sans doute en bois

                                                  Le premier Grand Chalet

 

 

Le Grand Chalet après son agrandissement

                                                           Le grand Chalet après son agrandissement    

 

   A Ronce, ces cabines de bains, à l’exception notable de celle de la Louisiane, sans doute la plus ancienne construite dans les années 1860, sont en bois.

La cabine de bains de La Louisiane détruite lors de la se

              La cabine de bains de La louisiane détruite lors de la seconde guerre mondiale


 

Elles sont fixes et fleurissent sur le brise-lame. Elles ne sont pas tractées, comme à Boulogne par exemple, jusqu’à la mer par un cheval robuste pour permettre aux dames de se changer en toute discrétion  avant que de maîtres baigneurs ne les  transportent dans leurs bras d’athlète jusqu’à l’eau. Mais il n’est pas interdit de penser qu'à Ronce, des messieurs galants  devaient se porter volontaires pour accomplir cette tâche au demeurant fort plaisante.

 

Les cabines de bains de Boulogne tractées par des chevaux

                           Les cabines de bains de Boulogne tractées par des chevaux

 

 Autres temps, autres modes


  Les maillots de bains portent bien leur nom car effectivement ils emmaillotent les baigneurs comme des bébés. Ceux des femmes sont de véritables costumes de bains, qui leur couvrent le corps du cou jusqu’aux mollets. A cette époque, se dénuder, c’est  attenter à la pudeur. Des hommes politiques comme le sénateur René Béranger ou hommes d’église comme l’abbé Sertillanges veillent à la décence et aux bonnes mœurs. Aussi les baigneuses sont-elles coiffées d’une espèce de charlotte  et  portent-elles une sorte de tablier sous lequel dépasse un pantalon bouffant. Ainsi attifées, quand elles sortent de l’eau, elles ressemblent davantage à des épouvantails à moineaux qu’à des Vénus naissant de l’écume de la mer. Les hommes, eux, avec leurs caleçons longs unis ou rayés qui moulent leurs attributs virils, ont assurément plus fière allure.


On se sent bien en maillot de bains en 1912

                                                    On se sent bien en maillots de bains en 1912


   Comme beaucoup de gens ne savent pas nager, ils se contentent de déambuler le long de la plage, les pieds dans l’eau. Les dames, très élégantes, s’abritent du soleil sous leur ombrelle. A l’inverse d’aujourd’hui, garder la peau claire est leur préoccupation constante. Dans cette France aux trois quarts rurale, c’est, pour ces citadines fortunées, habituées du casino du Grand Chalet et propriétaires des belles demeures construites sur le front de mer, une façon radicale et définitive de se différencier des femmes à la peau halée qui travaillent aux champs.

Le poème de François Coppée, tiré de son recueil " Les jeunes filles" daté de 1878 retrace à merveille cette époque:

 

" Sur la plage élégante au sable de velours

Que frappent, réguliers et calmes, les flots lourds

Tels que des vers pompeux aux nobles hémistiches,

Les enfants des baigneurs oisifs, les enfants riches,

Qui viennent des hôtels voisins et des chalets,

La jaquette troussée au-dessus des mollets,

Courent, les pieds dans l’eau, jouant avec la lame,

Le rire dans les yeux et le bonheur dans l’âme,

Sains et superbes sous leurs habits étoffés,

Et d’un mignon chapeau de matelot coiffés.

 

Ces beaux enfants gâtés, ainsi qu’on les appelle

Creusent gaiement, avec une petite pelle,

Dans le fin sable d’or des canaux et des trous ;

Et ce même Océan, qui peut dans son courroux

Broyer sur les récifs les grands steamers de cuivre

Laisse, indulgent aïeul, son flot docile suivre

Le chemin que lui trace un caprice d’enfant.

Ils sont là, l’œil ravi, les cheveux blonds au vent,

Non loin d’une maman rôdant sous son ombrelle,

Et trouvent à coup sûr, chose bien naturelle

Que la mer soit si belle et les amuse ainsi.

 

Des moussaillons du port, des pêcheurs de crevettes,

Passent, le cou tendu sous le poids des paniers.

Ce sont les fils des gens du peuple, les derniers

Des pauvres, et le sort leur fit  rude vie.

Mais ils vont, sérieux, sans un regard d’envie

Pour ces jolis babys et les plaisirs qu’ils ont.

Comme de courageux petits marins qu’ils sont,

Ils aiment leur métier pénible et salutaire

Et ne jalousent point les heureux de la terre ;

Car ils savent combien maternelle est la mer,

Et que pour eux aussi souffle le vent amer

Qui rend robuste et belle, en lui baisant la joue,

L’enfance qui travaille et l’enfance qui joue."    

       

 

Villas sur le brise-lame

                                                                          Villas sur le brise-lame

 

       A droite, la villa Beauséjour qui fête cette année son c                        

A droite la villa Beauséjour qui fête son centenaire cette année

 

 

     

 

                                                      Récit de la fête.


  Mercredi 20 juillet

 

«  Bis repetita placent. »  Se référant à cet aphorisme célèbre, la municipalité de La Tremblade, après le succès du 150ème anniversaire de Ronce l’an passé, a voulu jouer les prolongations en proposant un nouveau rendez-vous festif.

  A 11 heures, ça devient une habitude, les personnes costumées se regroupent au bout de la place Brochard pour l’inauguration. Après le mot d’accueil et les remerciements de l’adjointe à la culture Mme Liliane Jaud, Le maire Jean-Pierre Tallieu  procède au lancement des réjouissances devant un parterre clairsemé.

 

La fête inaugurée par Liliane Jaud et Jean-Pierre Tallieu

                                          La fête inaugurée par Liliane Jaud et Jean-Pierre Tallieu

 

Il est vrai que le ciel couvert, les nuages menaçants et le vent frisquet n’ont pas incité les gens à revêtir leurs plus beaux atours. Seule une cinquantaine de  téméraires ose défier les éléments hostiles. Heureusement, pineau, jus de fruits et galettes offerts devant la base nautique leur réchauffent le cœur.

 

 

Le groupe des gens costumés devant une cabine de bains

                                        Le groupe des personnes costumées devant une cabine de bains

 

  Si les cieux du matin ont été relativement cléments, changement de décors en ce début d’après-midi ; un véritable déluge  s’abat sur Ronce. Le concours de châteaux de sable, prévu dans le programme, est bien-sûr annulé mais pas la visite de Ronce. Quelle n’est pas la surprise des intervenants quand ils constatent qu’une dizaine de participants les attendent patiemment devant l’Office du tourisme. La sagesse eût été de reporter la visite mais leur envie de mieux connaître la station emporte l’adhésion des deux guides, Catherine Lainé et Jean-François Géffré. Pendant près d’une heure trente, les deux compères se prennent pour Debbie Reynols et Gene Kelly et  interprètent,  sous une minuscule  forêt de parapluies, le remake de Chantons sous la pluie sous l’œil amusé de quelques badauds.

 A 21h 30, la parade nuptiale de la Belle Epoque tombe à l’eau, si l’on peut dire. La noce se contente d’une séance de photos dans l’enceinte du casino.

 

Le cortège nuptial coincé au casino en raison du mauvais

                                           Le cortège nuptial bloqué au casino en raison du mauvais temps

 

    Jeudi 21 juillet


10 heures. Le soleil daigne enfin nous gratifier de ses rayons encore bien timides. A la base nautique, les organisateurs de l’exposition sur les bains de mer invitent tous ceux qui ont vécu ou passer leurs vacances à Ronce à échanger leurs souvenirs autour d’un petit déjeuner convivial.

 

 

Catherine Lainé et Michel Buraud accueillent les visiteurs

                        Catherine Lainé et Michel Buraud accueillent les visiteurs de l'exposition

 

17 h 30.

 Le groupe de gens costumés plus dense que la veille se rassemble autour des mariés pour défiler dans les rues de Ronce. Le tracé n’a pas été choisi au hasard. La noce se met en marche devant le casino pour rejoindre, après une courte halte sur le ponton de la place Brochard, le Grand Chalet.

 

La noce devant le casino

                                                                             La noce devant le casino

 

Courte halte sur le ponton

                                                                                       Courte halte sur le ponton

 

Sous la conduite de Mr Alain Tontale, directeur de l’Office du tourisme et précédé d’un jeune accordéoniste, le cortège qui emboîte le pas aux mariés représent, à lui seul, tout un symbole.

 

La parade conduite par l'accordéoniste et Mr Alain Tontal

                                    La parade conduite par l'accordéoniste et Mr Alain Tontale

 

En effet, l’établissement de jeux inauguré en juin  2007, constitue le dernier  bâtiment d’envergure construit à Ronce. Quant au Grand Chalet, complexe hôtelier qui comportait également un casino, c’est, à l’inverse, la première  construction de ce type ouvert à Ronce à la Belle Epoque.

 

Casino du Grand Chalet à la Belle Epoque

                                                    Casino du Grand Chalet à La Belle Epoque

 

En empruntant l’avenue Gabrielle qui concentre la majeure partie du patrimoine ronçois, ce parcours d’un kilomètre environ représente donc une plongée dans le temps d’un peu plus de cent ans. Ce trait d’union entre le présent et le passé, illustré par une histoire d’amour, ne laisse pas insensibles les participants pour la plupart entichés de Ronce.


Le temps suspend son vol devant le Grand Chalet

                                              Le temps suspend son vol devant le Grand Chalet


La traditionnelle photo de groupe  se déroule dans une bonne humeur communicative face au kiosque.

Mariage pluvieux mariage joyeux

                                                                     Mariage pluvieux, mariage joyeux


A  20 heures,  quelques couples se retrouvent pour dîner à L’Ardoise, au restaurant du casino, avant d’assister à 21h 30 au spectacle de cabaret de bonne facture donné sur la place devant un public nombreux et chaleureux malgré la température ambiante.


Bon appétit les amis!

                                                                         Bon appétit les amis!

 

      Michel Buraud joliment entouré

                                                                Michel Buraud joliment entouré

 

     Spectacle de cabaret place du casino

                                                           Spectacle de cabaret place du casino

 

     Le public frigorifié apprécie le spectacle                                      

Le public frigorifié apprécie le spectacle

 

   Vendredi 22 juillet

 

Cette journée est assurément la plus réussie.

 

11h. La base nautique reçoit la visite d’une figure de Ronce qui a toute sa place dans cette fête car, pendant près de trente ans, Bernard Bécavin, c’est de lui qu’il s’agit, a été le maître nageur le plus emblématique de la plage de la Cèpe. C’est Philippe Claise une des mémoires vives de la station qui l’a convaincu d’honorer de sa présence cette manifestation. Entourés d’une dizaine de vieux amis, il admire l’ exposition particulièrement bien documentée et illustrée grâce à la diligence de Mmes Descamps, Guiet, Berthaud, Héral et Lainé et celle de Mrs Moreau, Géffré et Descamps. Pour que les aoûtiens puissent la contempler, elle mériterait  d’être étalée dans le temps.


Bernard Bécavin accueilli par Liliane Jaud visite l'exposi

     Bernard Bécavin au centre en pull bleu, accueilli par Liliane Jaud, visite  l'exposition avec son  épouse Françoise et ses amis l'exposition

 

18h.  C’est l’heure tant attendue du défilé d’une trentaine d’intrépides de tous âges qui ont enfilé les  maillots de bains de la Belle Epoque. Leur seule motivation quand ils montent sur le podium individuellement ou en groupe, aucun prix n’étant en jeu, c’est  le plaisir de  se divertir ensemble et  peut-être aussi de rendre hommage à leurs aïeux  en ravivant leurs façons de se vêtir.


Le groupe des maillotés sur le podium

                                                                Le groupe des emmaillotés sur le podium


Certains maillots sont d’époque mais la plupart ont été confectionnés avec patience et passion par les mains expertes de couturières. Les photographes en nombre croissant jouent des coudes pour capturer et suspendre pour la postérité ces moments aussi magiques qu’éphémères. Réunis une dernière fois sur le ponton, ces baigneurs d’un autre âge, tout intimidés, ne manquent cependant pas de classe et offrent aux spectateurs une insolite palette de couleurs.


Les baigneurs d'aujourd'hui

                                                                         Les baigneurs d'aujourd'hui

      Les baigneurs d'hier

                                                                          Les baigneurs d'hier

 

       Des baigneurs de tous âges

                                                     Des baigneurs de tous âges

 

 

 

 20h30. Début de soirée avec le récital des Chantonnants. Cette petite troupe d’une quinzaine d’unités, créée en 2006 par Mr Guy Mollé est actuellement présidée par Mr Jean-Pierre Siret. Distraire en se distrayant est sa  philosophie.


La troupe des Chantonnants lors de son récital

                                                La troupe des Chantonnants lors de son récital

 

Mme Jeannie Scheyder en assure la direction musicale. Mr Robert Warroux, aidé dans sa tâche par son épouse Danièle, se charge de la mise en scène. Robert n’est pas un néophyte, il monte des spectacles depuis sa jeunesse. Ce tour de chant d’une heure qui a nécessité une dizaine de répétitions au foyer ronçois est bien rodé, cela va de soi, par le rôdeur de barrière (mauvais garçon prêt à jouer du couteau) joué par Robert. La gouaille de ce titi parisien qu’il est réellement fait mouche dans la présentation d’une alternance de chansons réalistes,  drôles, voire coquines. Mais c’est quand les incidents s’accumulent, lorsque Marcel n’est pas dans le ton, que les  partitions tenues sur le pupitre par des pinces à linge jouent la fille de l’air, que  Robert donne toute la mesure de son talent d’improvisateur.


Au centre Mr Robert Warroux le metteur en scène de la tro

                                  Au centre Mr Robert Warroux le metteur en scène de la troupe

 

A tour de rôle, chaque membre du groupe donne le meilleur de lui-même en interprétant des chansons aux titres évocateurs comme Ne me dis plus tu, Du gris, J’y va ti, j’y va ti pas, Elle s’était fait couper les cheveux, Ca c’est d’la bagnole, L’aéroplane, Zaza ( La liste n’est pas exhaustive.) Progressivement le public séduit par le charme désuet de ces chansons à texte qu’il découvre pour la plupart se laisse aller à reprendre les refrains.


Lle public nombreux a salué la prestation de la troupe

                                                Le public nombreux a salué la prestation des Chantonnants


        A l’issue du spectacle, Mme Colette Benest lit une poésie de sa composition.


Colette Benest lit le poème de sa composition


Enfin Mme Sylviane Boutet célèbre à sa façon Les bains de mer, en chantant de sa voix grave sur l’air de Mon amant de Saint-Jean, sa nouvelle version, préalablement distribuée aux spectateurs ;  ces derniers ne se font pas prier pour l’accompagner.


Sylviane Boutet célèbre Ronce en chantant

 

   21H 30. Le public, des refrains plein la tête, remonte l’avenue Gabrielle pour gagner le marché de nuit. L’idée initiale de J.F Géffré se voit concrétiser par la municipalité. Trois heures durant, l’ancienne place du marché située place des roses reprend du service et retrouve son lustre d’antan. En faisant preuve d’un peu d’imagination, ces  chapiteaux immaculés, installés en U, font penser à un Camp du Drap d’or en miniature ou plus simplement aux échoppes médiévales. Un sculpteur sur bois côtoie un réparateur de cycles, une brodeuse un vendeur de produits du terroir, un rempailleur une cartomancienne, une botaniste une vendeuse de cagouilles.


Une brodeuse très souriante

                                                                    Une brodeuse très souriante

 

        Christian Desbordes dans son atelier

                                                             Christian Desbordes dans son atelier

 

Au centre de la place, dans un enclos grillagé, des gallinacés ravissent les jeunes enfants. La foule disciplinée s’informe auprès des artisans sur leur activité ou en profite pour faire quelques achats.

 La nuit est fraîche mais douce ce 22 juillet


La foule se presse au marché de nuit place des roses

                                               La foule se presse au marché de nuit place des roses

 

 Samedi 23 juillet.

 

 Dernier jour

Dès 14h,  le vrombissement des moteurs des voitures anciennes se fait entendre place du Casino. Mr Tontale se débat comme un beau diable pour faire évacuer au plus vite les véhicules modernes qui l’encombrent . A 14h 30, vingt cinq  superbes mécaniques alignées sur deux rangées resplendissent sous le soleil.


Trois belles voitures anciennes dont une Berliet au premier

                   Trois belles voitures anciennes dont une Berliet au premier plan et une Ford au fond


Leurs propriétaires qui les couvent des yeux racontent avec fierté, aux admirateurs de ces belles cylindrées, l’histoire de leur acquisition et surtout les étapes de leur restauration. Parmi elles, deux se détachent du lot : une Ford de 1911 et une Berliet de 1917.

 

A 16h  les véhicules qui ont pris à leur  bord des participants costumés, se dirigent vers le centre ville de La Tremblade. Ensuite ils rejoignent la grève  et  achèvent ce défilé haut en couleur dans les avenues de Ronce.


C'est parti pour la balade

                                                                                C'est parti pour la balade


 

   21h place Brochard. Quelques optimistes irréductibles s’approchent du ponton pour s’enthousiasmer devant le clou du spectacle, l’illumination des voiles des vieux gréements par un feu d’artifice.


On voulait voir les vieux gréements illuminés

                                                          Ils voulaient voir les vieux gréements illuminés


Seulement le clou largement arrosé depuis quelques jours et malmené, ce samedi soir, par un vent violent est rouillé et ne peut être mis en œuvre pour des raisons de sécurité. Dieu merci, le bal guinguette bat son plein et entraîne sur la piste autant de danseurs avertis que de personnes transies de froid. 


Le bal guingette conclut la fête

                                                                     Le bal guinguette conclut la fête

 

 Depuis la Belle Epoque cent ans se sont écoulés. Le goût affiché des Français pour la généalogie montre leur intérêt à rechercher et retrouver leurs racines dans un monde qui manque de repères. On constate aussi que de nombreux retraités, mais pas seulement, n’hésitent pas quelquefois à revenir de très loin sur les lieux qui ont bercé leur jeunesse. Ronce n’échappe pas à cette recherche du temps perdu et voit affluer de plus en plus de personnes qui cultivent la nostalgie. On ne peut donc que saluer les initiatives privées et publiques comme cette fête de La Belle Epoque et ses Bains de mer, riche en rencontres, qui s’est tenue à Ronce du 20 au 23 juillet 2011. Elle a fait suite et complété celle du 150ème anniversaire de l’an passé. Vivement la prochaine, sous le soleil évidemment ! Ne dit on pas jamais deux sans trois !


Carte de la Belle Epoque

 

 

 «  Le présent est aride et trouble, l’avenir est caché. Toute la richesse, toute la splendeur, toute la grâce du monde est dans le passé.  » Cette phrase d’Anatole France, auteur qui a vécu à La Belle Epoque, a résonné un peu plus fort à nos oreilles, pendant ces quatre jours mémorables.

 

                                                           Daniel Chaduteau.       7  août  2O11

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